année de création du domaine
Hectares de Langoa
générations
Hectares de Léoville

Au bonheur du classicisme

Anthony Barton est un être à la fois singulier et très représentatif d’une grande tradition bordelaise. Toujours vêtu de l’impeccable duo blazer bleu marine – pantalon de flanelle, même par les plus grandes chaleurs comme lors de l’interview que nous avons réalisé en plein juillet, ce gentleman farmer qui ne se départit pas de sa délicieuse pointe d’accent british est le très digne représentant de la dynastie irlandaise des Barton, présente à Bordeaux depuis trois siècles. Au-delà du cadre de sa famille, il illustre à merveille ces générations de Britanniques qui, une fois leurs études classiques à Oxford ou Cambridge, venaient avec flegme reprendre une affaire familiale à Bordeaux, Cognac ou Porto. Tous ont contribué au long de leur existence à façonner la personnalité unique de ces vins et des vignobles, tous ont conservé intacte leur âme britannique. Mais ce n’est pas la seule caractéristique d’Anthony. Il y a aussi l’attachement viscéral à sa terre médocaine, celle des vignes de Saint-Julien, celle de Moulis, où la famille a acquis le très prometteur cru de Mauvesin, à son château de Langoa (il est l’un des très rares propriétaires médocains à vivre sur ses terres et est, avec les Rothschild, la dernière famille propriétaire de ses châteaux depuis le Classement de 1855), à ses crus de Léoville et de Langoa, bien sûr. Ce lien avec sa terre est de ceux qu’on ne rompt pas. D’ailleurs, si Lilian Barton-Sartorius, la fille d’Anthony, conserve un très léger accent anglais, ses petits-enfants, eux, sont nés Français. En revanche, les trois générations partagent avec le même enthousiasme cet amour de leur(s) terroirs. On les comprend, Léoville-Barton, Langoa et désormais Mauvesin Barton sont des exemples brillants du classicisme médocain dans ce qu’il a de meilleur : l’éclat aromatique, la droiture, l’élégance tannique et la fraîcheur.

Anthony Barton, propriétaire

Le terroir

Longtemps liés au seul terroir de Saint-Julien, les Barton se sont ouverts au début de cette décennie au cru voisin de Moulis, en acquérant le Château Mauvesin, désormais Mauvesin-Barton. Cette propriété historique du secteur – la Seigneurie de Mauvesin existe depuis 1457, mais très méconnue des amateurs, les propriétaires précédents (depuis la Révolution) préférant jouir des 170 hectares de bois et prairies que de s’attacher à exprimer le potentiel des 51 hectares de vignes pourtant splendidement situées sur des sols de graves fines avec plus de sable qu’à Saint-Julien et un socle argilo-calcaire. Ce qui fait la différence avec Saint-Julien, c’est aussi  la proximité avec la forêt et l’éloignement de l’estuaire, la stabilité climatique y est moins assurée, les maturités idéales des fruits y arrivent un peu plus tardivement. Quand ils l’ont acquise, les Barton ont apprécié en connaisseurs le potentiel du terroir et, en bons Irlandais, les installations équestres qui faisaient la fierté de la propriété. Mélanie, la fille de Lilian et de son mari Michel Sartorius, est à la fois œnologue et cavalière émérite, Mauvesin est  son fief depuis 2013. La restructuration des vignes avait commencé deux ans auparavant et le cru gagne chaque année en finesse d’expression et, surtout, en maturité de fruit. Il y a entre le millésime 2011, le premier des Barton à Mauvesin, et le 2014, un très net saut qualitatif.

Langoa demeure certainement le cru classé le plus méconnu de Saint-Julien. Après l’avoir dégusté dans une bonne trentaine de millésimes, le plus souvent à côté de Léoville-Barton, en primeur ou en bouteille, je ne saurai toujours pas distinguer à l’aveugle l’un de l’autre, surtout lorsqu’ils sont jeunes. Pourtant, les terroirs sont bien distincts. Les vignes de Langoa s’étendent de part et d’autre de la superbe chartreuse où vit Anthony et son épouse, sur la gauche de la D2, tandis que celles de Léoville sont situées côté estuaire. C’est la première propriété médocaine achetée (en 1821) par le négociant Hugh Barton, qui reprend les affaires bordelaises initiées un siècle plus tôt par son grand-père Thomas. Langoa s’appuie sur un encépagement plus balancé que Léoville : 57 % de cabernet sauvignon, 34 % de merlot et 9 % de cabernet franc dans un vignoble de 17 hectares. Mais les deux terroirs sont travaillés de la même façon, sur un sol de graves et un sous-sol argileux comparable. François Bréhant, directeur technique des propriétés, les vinifie de la même manière. Au final, Langoa, avec sa finesse soyeuse, ses tanins enrobés et son fruit toujours précis, apparait souvent très séducteur jeune, parfois un peu plus que Léoville. Pour autant, j’ai eu l’occasion de déguster quelques vénérables Langoa, rassurez-vous, ils vieillissent bien.

Le chai de Léoville Barton  

Les Barton et Bordeaux

Léoville Barton est un seigneur discret. Issu, comme Poyferré et Las-Cases, de la séparation du grand domaine de Léoville qui fut autant une conséquence de la Révolution Française que de problèmes de succession. Acquise par Hugh Barton (photo ci-dessus) cinq ans après Langoa, Léoville-Barton constitue la partie la plus au sud du vignoble originel, côté estuaire, en voisinage direct de Ducru-Beaucaillou. Avec 74 % de cabernet-sauvignon, 23 % de merlot et 3 % de franc, Léoville-Barton est l’un des archétypes les plus accomplis du saint-julien classique. Le classicisme, c’est cet équilibre souverain qui n’en fait jamais un monstre de puissance, mais jamais non plus un vin trop souple ou fuyant, ce bouquet de petits fruits rouges qui s’associe avec le temps (mais plutôt rapidement) à d’inoubliables notes de cèdre, cette fraîcheur qui aiguise l’appétit.

En quarante ans de gestion de ses propriétés, Anthony a été à la fois l’homme du changement, modernisant par petites touches la viticulture, les vinifications et l’élevage de ses vins, et celui du maintien d’un principe marchand fondamental : on fait des vins pour qu’ils soient bus, non pour être thésaurisés ou pour qu’ils deviennent des bêtes à concours. Jamais, Léoville n’est entré dans la compétition des « blockbusters » médocains. Jamais, il n’a cherché à obtenir les faveurs de tel ou tel gourou. Toujours pourtant, il a séduit des générations d’amateurs, français, britanniques ou d’autres cultures. Toujours, il a affiché comme Langoa une régularité impressionnante. Cherchez depuis quarante ans un millésime faible de Léoville-Barton, il n’y en a pas. De la même façon, Léoville-Barton, l’un des plus grands vins de Bordeaux, a su toujours rester, parmi ses pairs, l’un des plus sages en terme de prix. En quarante ans, les Barton, père, fille et désormais petite-fille et petit-fils, ont su écrire un élégant et brillant éloge du classicisme. Qu’ils en soient remerciés.

Éloge du classicisme bordelais

Les vins

2014

Nous l’avons trouvé un peu plus ferme et plus dense que Langoa, avec une profondeur et une structure tannique très noble. Grand avenir.

2013

Grande couleur, corps et définition de terroir magnifiques dans ce millésime, tannin plein, racé, finale sur le cèdre, le graphite et même un peu la truffe, un léoville classique en gestation.

2012

Très cèdre et très épicé, souple, charnu, frais mais sans la précision du 2013 dans le soutien tannique.

2011

Boisé plus affiné qu’en 2012, remarquable équilibre général, toute la distinction d’un beau léoville et classicisme de construction qui plaira aux amoureux du Médoc. Mêmes sensations un an plus tard.

2010

Noblement truffé et épicé, grande matière, grand style, la définition parfaite du Léoville.

2009

Vin complet, noblement aromatique, associant cèdre, fruits rouges, truffe et épices douces liées à un excellent parc à barriques. Aucun des excès du millésime.

2008

Beaucoup de style au nez, avec les arômes classiques de cèdre, parfaitement définis et épanouis, texture pleine et noble, tanin un rien sec mais racé, ouvertement traditionnel mais qui d’en plaindrait ?

2007

Coloré, généreux, tanin parfaitement mûr, grande suite en bouche, du style et de la séduction, un vin encore une fois exemplaire.

2006

Texture dense, saveur de raisin très mûr avec des notes d’eucalyptus, corps complet pour l’année.

2005

Puissance, ampleur, vinosité, grand potentiel de vieillissement, grande allure. Un vin fidèle à lui-même.

2004

Ultra mûr, texture de taffetas, long, grand caractère, remarquable pour l’année.

2003

Somptueuse étoffe, tanin harmonieux, grande longueur, magnifique expression d’un millésime hors norme.

2002

Bouteille merveilleuse dans ses équilibres et dans son charme aromatique, concentré de toutes les nuances de cèdre et de tabac des cabernets, avec la texture crémeuse propre au cru.

2001

Beaux arômes de cèdre mais un peu moins de chair et de définition que d’habitude. Peut-être est-ce dû à un stade moins expressif de son évolution en bouteille.

2000

Grande sève, grands tanins gras et vigoureux, texture noble. Certainement un classique du millésime.

2014

Complet, harmonieux, ferme, très typé, hautement recommandable.

2013

Puissant, frais, nerveux et structuré, très conservateur dans son style, mais vraiment dans le jus de son terroir et de son millésime.

2012

Très épicé au nez dans un équilibre presque résineux, dense, charnu, boisé mieux intégré qu’en 2011.

2011

Coloré et enveloppé pour le millésime, large et vineux, boisé encore bien marqué.

2010

Ensemble classique, tendu, ferme, légère réduction sur le bois, du caractère et de la noblesse mais on attend plus de chair et de raffinement de tannin.

2009

Beaucoup d’épices au nez et même une pointe de térébinthe, pas aussi riche et enveloppé que les leaders de l’appellation mais doté d’un tanin classique et équilibré.

2008

Beaucoup de puissance immédiate et de chair, arôme noble de cèdre, boisé strict, beaucoup de style et de fermeté. Du vrai médoc.

2007

Nez racé de tabac blond, cèdre et encens, remarquable volume de bouche pour l’année, un vin séveux, complet.

2006

Ferme, gras, raisin mûr, tanin pour le moment encore un peu rugueux, mais donnant confiance pour un vieillissement lent et régulier.

2005

Très proche du Léoville, complet, ample, vineux, tanin raffiné.

2004

Beau nez de fruits rouges, propre, très élégant, tanin suave, long, vraiment extra dans un style presque margalais.

2003

Grand vin classique du secteur, étoffé, long, doté d’un tanin moins tendu que 2005, commence à bien se déguster.

2002

Beau vin généreux, complet pour le millésime, noblement tannique et doté d’une acidité mûre très tonique.

2001

Le vin est sérieusement constitué mais plus austère qu’habituellement.

2000

Vin plein, un rien plus souple que Léoville-Barton, tanins épicés, finale longue, complexe, harmonieuse. Un classique du genre.

2014

Jolie matière avec du fruit, de la souplesse dans le tannin et une belle fraîcheur en finale.

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Crédits photo : Guy Charneau