Le 4X4 pour sillonner le vignoble de Beaumes de Venise, ce n’est vraiment pas du luxe ! Longeant les contreforts des Dentelles de Montmirail, véritables lames de calcaire finement ciselées par l’érosion, on grimpe sur des cailloux, on s’enfonce dans l’argile légèrement humide, en cahotant au bord de vertigineuses ravines ! La diversité de la topographie et la nature argilo-calcaire du sol se rappellent à nous à chaque tour de roue. « Ce massif est unique en son genre, il témoigne d’un événement tectonique d’une grande ampleur dans le sud de la France. Il renferme de nombreux substrats, du sel, du calcaire, du magnésium, du potassium… » explique Claude Chabran, président des Vignerons de Beaumes de Venise. Et dans cet écrin calcaire et aride, la douceur parfumée d’un paysage méditerranéen s’offre à nous à chaque tournant, insolent de beauté.
Collines et dentelles
Tout ici pourrait avoir mille ans. Garrigues et bosquets de pins d’Alep, de chênes verts, de cyprès, oliviers et abricotiers (dont la culture primait autrefois sur celle de la vigne), amandiers, grenadiers sauvages, câpriers, se mêlent intimement aux parcelles de vignes en coteaux et en « restanques ». Dispersés dans les collines, des villages perchés coiffés de leurs campaniles veillent comme des sentinelles sur cette nature balayée par le mistral et scrupuleusement préservée – les vignerons sont engagés de puis 1998 à travers la signature de la Charte VIVRE* et 95 % de leur vignoble est en agriculture raisonnée ou biologique. Ce sont les quatre villages des AOC Muscat Beaumes de Venise et Cru Beaumes de Venise :
La Roque-Alric, accroché depuis le XIe siècle à un piton rocheux culminant à plus de 500 mètres ; Lafare, au pied du Rocher de Saint Christophe ; Suzette, qui s’élève à 410 mètres d’altitude offrant une vue à 360° sur la chaîne du Ventoux et les Alpilles ; et Beaumes de Venise qui tire son nom des nombreuses grottes creusées dans les rochers de safre, « Balmes » en provençal, et de Venaissin, nom du célèbre Comtat (actuel Vaucluse), propriété des Papes jusqu’à la Révolution. Sur ce versant sud, les couleurs de la terre varient tout au long du chemin. Ocre, elle devient noire, puis blanche, grise, blonde…
*1- Vignerons Investis en Viticulture Respectueuse de la vie et de l’Environnement. Plusieurs normes et certifications viennent renforcer leur engagement écologique, notamment la certification ISO 9002 (première cave certifiée en France sur l’ensemble du processus), avec son renouvellement en ISO 9001, ISO 14001, l’IFS et le BRC.
Deux appellations au sommet
La Terre Blonde, un sol argilo calcaire vieux de plus de 14 millions d’années, enveloppe complètement l’écorce du massif. Ce safre du Miocène, à l’aspect sablé, est le terrain de prédilection du muscat à petits grains, blanc et noir, cépage exclusif du Muscat de Beaumes de Venise. La fameuse « vigne des abeilles » décrite par Pline l’Ancien bénéficie ici d’un microclimat particulier. Les falaises abritent le vignoble des assauts du mistral et l’altitude apporte la fraicheur nocturne qui permet une maturation tout en douceur et l’expression la plus élégante d’arômes de fruits exotiques, de pêche, de miel et de fleurs. Vinifié en blanc, rosé et rouge (parfois élevé en barriques), offrant une large palette d’expressions, il « se boit à la régalade »* du début à la fin du repas, à l’apéritif, avec du melon, un foie gras, un dessert mais aussi des crustacés, des plats exotiques, un fromage à pâte persillée. Ce caractère hors du commun a été mis en valeur il y a bientôt soixante ans par la cave des Vignerons de Beaumes de Venise.
*2 – Frédéric Mistral dans « Mireille».
Vignerons de Beaumes de Venise en images
C’était en 1956, année d’un grand gel qui détruisit une grande partie des oliviers et abricotiers constituant alors les principales cultures. Pierre Blachon, pharmacien du village réussit à convaincre une poignée de producteurs d’unir leur savoir-faire. Il était convaincu du potentiel du terroir du Muscat de Beaumes de Venises, appellation créée en 1943, et de la magnifique exposition du vignoble. Vignerons de Beaumes de Venise regroupe toujours aujourd’hui des structures familiales de petites surfaces (moins de 8 hectares). Ouverte au public avec son caveau et sa vinothèque qui reçoivent près de 200 000 personnes par an, elle reste un des acteurs qualitatifs incontournables du Muscat de Beaumes de Venise.
Avec la même exigence portée à son vin doux naturel, les Vignerons de Beaumes de Venise ont aussi oeuvré pour la reconnaissance de son rouge*. « Au prix d’un travail acharné, qui a consisté notamment, à partir de 1997, à cartographier les différents types de terroirs et à les mettre en valeur par des vinifications séparées, nous avons été reconnus cru Beaumes de Venise en 2005 », se réjouit Claude Chabran. Une consécration pour ces vins rouges fins et racés, offrant un profil original parmi les vins du Rhône. « C’est l’effet du terroir. » Georges Truc, oeno-géologue spécialiste de la vallée du Rhône, souligne même que « les vignerons ont ici à leur disposition toutes les roches depuis le début du secondaire. Ce qui est rarissime ». La particularité de ce cru ? Offrir une triple personnalité à travers ses trois entités géologiques. Les Terres Blanches de Bel Air, autour de La Roque-Alric, donnent des vins pleins, souples et harmonieux.
« Ce sol argilo-calcaire marneux permet aux vignes, grâce à son inclinaison, un enracinement suffisamment profond et une extraction des sels minéraux ». Les Terres Grises des Farisiens, au nord de Lafare, constituées de marnes noires oxfordiennes du jurassique supérieur remontant à 140 à 150 millions d’années, produit des vins profonds, puissants, à dominante de fruits mûrs. « Ces coteaux tournés principalement vers l’est et le sud-est garantissent un abri contre le mistral et un ensoleillement exceptionnel ». Les Terres Ocres du Trias, affleurant entre Beaumes de Venise et Suzette, vieilles de 230 millions d’années, engendrent des vins puissants et d’une grande richesse aromatique. « Partout ailleurs dans la région, ces terres sont enfouies sous plus d’un kilomètre de sédiments. Mais ici, elles affleurent en surface. Peu fertile, drainant tout en ne craignant pas la sécheresse, ce terroir évite aux ceps tout stress hydrique ». Sur ce patchwork géologique, cultivés à petit rendement (limité à 38 hl/ha), le grenache noir (au moins 50 %) et la syrah (25 % minimum), agrémentés de mourvèdre, cinsault, carignan, counoise*, s’épanouissent à une altitude qui leur permet d’atteindre en douceur leur maturité. Au terme de cette balade, l’or du soleil et la chaleur des mythiques Dentelles se concentrent dans les verres de muscat et de cru rouge servis au Dolium, le restaurant de la cave. Deux « beaumes » au cœur du vignoble rhodanien impeccablement orchestrés par les Vignerons de Beaumes de Venise.
*3 – La cave produit également de l’AOC Vacqueyras et exerce aussi son savoir-faire sur une large gamme de vins de qualité tels que les Côtes du Rhône, les Ventoux, et les Vins de Pays de Vaucluse.
*4 – Et autres cépages autorisés dans la vallée du Rhône, avec possibilité de 10 % de cépage blanc.
RHONEA
Nouvelle génération au bord du Rhône
Née il y a quelques mois de l’union de deux caves historiques, Vignerons de Caractère à Vacqueyras et Vignerons de Beaumes de Venise à Beaumes de Venise, Rhonéa réunit 236 artisans-vignerons sur une multitude de sols différents répartis autour des Dentelles de Montmirail, dont 1140 hectares en Crus Gigondas, Vacqueyras et Beaumes de Venise. Il s’agit de la première union de cette envergure dans les crus du Rhône méridional. « Depuis cinquante ans, ces deux caves, situées à 3 kilomètres de distance à peine, qui partagent la même passion et les mêmes valeurs, ont finalement décidé d’enterrer leur compétition pour travailler ensemble. Les deux caves continuent d’exister. Chacune gère son vignoble, la relation avec ses adhérents et la vinification de sa production. Rhonéa est chargée du conditionnement, de la gestion, de la commercialisation, du marketing, du contrôle qualité, etc.», explique Pascal Duconget, directeur général de Rhonéa. Cette nouvelle grande famille d’artisans-vignerons développe une coopération viticole nouvelle génération.
Parmi ses objectifs : laisser les personnalités de chacun s’exprimer au profit de vins ciselés, gourmands et racés, de cuvées rares et de crus uniques -Vins de terroir, collections capsules ou Domaines & Châteaux- pour une meilleure mise en valeur des crus de la Vallée du Rhône. Ses caves sont équipées de moyens techniques à la hauteur de cette ambition. Rhonéa s’appuie également sur le management participatif, connectant salariés et vignerons ensemble. Les moyens ? Un réseau social d’entreprise, des ateliers progressistes sur la qualité et l’innovation, des échanges transgénérationnels, des ambassadeurs, des comités d’experts… De même, l’éthique et l’équitable qui faisaient partie des valeurs de Vignerons de Caractère et de Vignerons de Beaumes de Venise depuis déjà vingt ans, restent la priorité de Rhonea, « coop éco-citoyenne » engagée dans la Charte VIVRE* ou le label Vignerons en Développement Durable.
« Les Vignerons de Beaumes de Venise ont toujours considéré le respect de l'environnement »
Claude Chabran
Passionné du muscat de Baumes de Venise
Jean-Paul Anrès
Les vins
2014
Pâle, citronné, un muscat qui préfère la fraîcheur et une certaine vivacité à l’opulence, tout en restant généreusement sucré.
2010
Arômes de citron au nez, la bouche est belle et expressive avec du caractère, pas trop sucrée, bien faite, avec un bel équilibre.
2009
Très agrume au nez, belle concentration et sensation d’équilibre en bouche, le vin est frais, sans aucune lourdeur.
2008
Un muscat svelte, sans lourdeur, aux notes d’agrumes confits et de fleurs blanches, et surtout un très bel équilibre en bouche.
2012
Fruité, tendre et souple, manque un peu d’énergie en finale.
2007
Joliment fruité avec des épices douces et une belle fraîcheur, chaud en finale.
2006
Un bouquet floral et parfumé, joliment fruité et épicé en bouche, un caractère gourmand, savoureux, avec des tanins solides, le vin finit sur la fraîcheur.
2006
Approche confite sur l’ananas, la rose ancienne et le camphre, la douceur gourmande est équilibrée et rafraîchissante.
2005
On découvre une grande complexité aromatique sur la papaye, le poivre rose et des senteurs confits. Parfaite intégration de la sucrosité et du mutage en bouche.
2012
Fruité sincère et très marqué grenache. Ensemble accessible, sans complication et laissant une part non dissimulée au plaisir.
2008
Des arômes poivrés au nez, belle matière florale, pas trop concentré mais agréable en bouche.
2007
Nez de kirsch et de fruits cuits, puissant en bouche, le vin est dense et concentré avec un fruit en surmaturité. L’extraction est ambitieuse avec des tanins puissants.
2006
Kirsch et tabac au nez, fruits murs et doux en bouche avec des tannins bien présents. Ici on sent bien la générosité et l’équilibre du millésime.
2005
Vin puissant et robuste. Grosse richesse tannique. La finale est fraîche et cacaotée. Un vin qui a su garder de la fraîcheur malgré sa richesse et sa puissance. Très belle personnalité.