Marquis de Terme, c’est d’abord une volonté
Sur les terroirs et dans les chais de Margaux,la course à l’excellence est lancée. La reprise récente des derniers crus classés 1855 encore disponibles explique qu’il n’y ait plus de place pour l’approximation. C’est dans cet environnement de haute concurrence qu’il faut comprendre les enjeux margalais. C’est un challenge à la Winston Churchill, only the best will do, une quête paroxystique de la qualité, une envie de grands vins qui balaient toute autre considération sur son passage. Dans les châteaux, rien n’est épargné pour y parvenir.
La famille Sénéclauze, en propriétaire avisée du cru classé Château Marquis de Terme, a compris plus vite que d’autres que la gestion à la papa avait vécue. Elle pouvait choisir de vendre, elle a décidé de valoriser son patrimoine. En observant le marché pour évaluer ses besoins en compétences, elle a vite réalisé qu’un homme avait pris beaucoup d’avance et comptait dans ses nombreuses propriétés une véritable pépinière de talents. Cet homme, c’est Bernard Magrez. Il était donc naturel que les Sénéclauze s’intéressent aux hommes qui composaient cette dream team. Leur choix s’est porté sur Ludovic David, un fonceur à la tête froide et bien faite. Gestionnaire de propriétés chez Bernard Magrez depuis quatre ans, il était mûr pour changer d’écurie et il a rejoint le château Marquis de Terme en tant que directeur général. On est en 2009. En homme d’expérience (ingénieur agronome et œnologue), le dynamique Ludovic, 40 ans à l’époque, prend à toute vitesse la mesure de la tâche qui l’attend, retrousse ses manches et s’y colle tête baissée. Tout en gardant un œil sur le ciel, comment faire autrement ?
Au programme, arrachage, replantation et parcellarisation du vignoble, ré-aménagement des chais de vinification et d’élevage, refonte de la commercialisation, présence accrue à l’international, ouverture du château aux touristes, etc. Un directeur général de cru classé bordelais doit savoir tout faire, en même temps qu’un peu d’ubiquité est requise. Le plus beau est que presque tous réussissent ce grand écart permanent. Qu’on en juge.
Ludovic David, directeur général du château.
Michel Bettane
Prenons deux grands millésimes, 2005 et 2010 et voyons ce qu’on pu en dire les experts de Bettane+Desseauve
Le 2005 est un vin puissant, au tanin très ferme et au boisé encore un peu trop apparent, masculin pour l’appellation, très franc, mais loin d’être prêt.
En 2010, la puissance et la droiture de ce vin se précisent et s’amplifient, avec un grand tanin épicé qui fera beaucoup pour augmenter la réputation du cru.
Faisons maintenant l’exercice avec deux millésimes moyens, 2006 et 2011
Le 2006 a un tanin astringent, asséché par le bois, et comme l’alcool est élevé l’ensemble est loin d’être harmonieux. Attendre, au cas où…
Le 2011 est rond et puissant, avec des notes de cuir en formation, beaucoup de mâche. Vin de fort caractère.
En quatre commentaires de dégustation, chacun peut comprendre le rôle et l’importance d’un bon patron de domaine épaulé par un propriétaire conscient de ses responsabilités devant les choix d’investissement.
Aujourd’hui, Marquis-de-Terme est une propriété qui va bien. Peu à peu, elle prend la tête dans la grande bataille qui agite le sillage des deux leaders de l’appellation, Château Margaux et Château Palmer. C’est clair, Marquis de Terme se voit très bien sur le podium aux côtés des deux ténors.
Le chai à barriques. Sur la droite de la photo, au fond du chai, on aperçoit les œufs de béton. Plus bas sur cette page, ils sont photographiés en gros plan.
Le plus de la vinification intégrale
Le nouveau cuvier accueille des cuves tronconiques en béton et des cuves tronconiques en inox à double paroi de 70 et 90 hl ainsi pour les macérations pelliculaires à froid que d’autres cuves tronconiques en bois de plus petite capacité (45 hl). À ces cuves dont les particularités permettent de suivre les parcelles en fonction des millésimes, Ludovic David a ajouté une dizaine d’œufs en béton d’une capacité de 6 hl et destinés uniquement à l’élevage pour la préservation du fruit, la rondeur et la fraicheur des vins. Pour se doter d’une panoplie complète des moyens, Ludovic David pratique également la vinification intégrale en barriques (entre 50 et 100 fûts selon le millésime). On le voit, rien n’est laissé au hasard.
Cette façon de traiter la vendange par petits lots vinifiés séparément accroît la précision de la sélection parcellaire en même temps que les opportunités du maître de chai au moment de l’assemblage. L’exercice devient plus pointu et plus rigoureux, mais plus inspiré.
Et tout ceci n’irait pas très loin si le travail au vignoble était inexistant. Là aussi, Marquis de Terme n’est pas à la traîne. Désormais les équipes du domaine sont motivées pour affiner le geste vigneron vers plus de précision et plus de respect de l’environnement. Une démarche d’agriculture biologique a été entamée sur quelques parcelles afin de déterminer les conditions d’une conversion réussie.
La nouveauté 2015
Pour relancer sans cesse l’intérêt du public sur la marque, il faut des idées. Et des idées qui dérangent. Ce n’est pas parce qu’il dirige un cru classé de Margaux que Ludovic David estime que tout est joué. Pour preuve, cette nouvelle cuvée mitonnée dans le plus grand secret et qui apparaît sur le marché aujourd’hui. Il s’agit d’un vin à dominante de merlot, appelé « Le Neuf de Marquis de Terme » et tiré à 999 exemplaires vendus 29 euros la bouteille. Une sorte de vin de garage médocain dont l’existence sert surtout à nouer un dialogue renouvelé autour du grand vin du château. Déjà, c’est un succès. (voir plus bas les commentaires de dégustation de Thierry Desseauve en vidéo).
Marquis de Terme en images
Du neuf à Margaux
On peut diriger un superbe cru classé du Médoc (Château Marquis de Terme)
et avoir des idées alternatives. La preuve par neuf.
Le Neuf, vu et bu par Thierry Desseauve
Marquis de Terme par Marquis de Terme
De la vigne au verre
Les vins
2013
Bel arôme de merrain classique, corps large et généreux, belle stabilité dans les échantillons, tannin ferme, ensemble confirmant la grande forme actuelle du château.
2012
Raisin un peu confit, ensemble rond et plein, dans un style plus démonstratif que subtil. Mais il devrait au vieillissement gagner en finesse margalaise.
2010
La puissance et la droiture de ce vin se précisent et s’amplifient, avec un grand tannin épicé qui fera beaucoup pour augmenter la réputation du cru.
2009
Grand vin vigoureux et racé, parfaitement harmonieux dans son tanin, un des meilleurs rapports qualité-prix de ce millésime très recherché.
2008
Beaucoup de couleur, volume de bouche appréciable, de la profondeur mais avec encore un peu de rusticité dans le boisé qui disparaît à partir du 2009.
2006
Tanin astringent, asséché par le bois, et comme l’alcool est élevé l’ensemble est loin d’être harmonieux. Attendre, au cas où…
2005
Vin puissant, au tanin très ferme et au boisé encore un peu trop apparent, masculin pour l’appellation, très franc mais loin d’être prêt.
2004
Boisé épicé pas très pur, tendance à foxer un peu, bonne matière, mais le fruit du raisin est masqué.
2003
Vin solide, élaboré à partir d’une vendange bien mûre, texture plus veloutée et tendre que 2005.
2002
Une bonne complémentarité merlot-cabernet lui donne un corps solide et une texture ample, propice au vieillissement régulier et bénéfique.
2001
Vin sérieusement construit, assez austère en bouche et au nez. Le tanin commence à s’assouplir et à dévoiler une saveur plus complexe, dans la tradition de ce cru lent à dévoiler tout son caractère.
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