La nouvelle vie du Château Montrose
Le Château Montrose fête cette année son bicentenaire, mais plus qu’un anniversaire, c’est une nouvelle page de son histoire qui sera célébrée comme il se doit le 18 juin 2015, au soir de la Fête de la Fleur. Avec en maîtres de cérémonie Martin et Melissa Bouygues, qui ont racheté, avec Olivier Bouygues, ce deuxième cru classé de Saint-Estèphe en 2006. Depuis, une profonde rénovation a transformé le vignoble, et porté les vins à des niveaux rarement atteints.
La lande jadis couverte de bruyère rose, qui a donné son nom à cette figure de proue du Médoc regarde toujours la rivière, mais elle abrite aujourd’hui un des plus riches terroirs de graves dignes de celles de Las Cases ou de Latour. Ses 95 hectares d’un seul tenant, en font l’un des plus grands et des plus beaux carrés de vignes de la Gironde.
© Aline Dautresme
Deux pointures
Martin Bouygues a su également s’entourer des plus belles pointures de tout le bordelais. Jean-Bernard Delmas, le chaman de Haut-Brion, a tout d’abord été rappelé de sa retraite. Il a dirigé Montrose les cinq premières années, jusqu’en 2011, le temps d’imposer une rigueur, un style et un ton, auxquels les millésimes 2009 et 2010 sont venus apporter leur part d’exceptionnel. Hervé Berland, devenu gérant de Montrose en 2012, cet homme fringant à la haute silhouette giscardienne entend, avec sa nouvelle équipe, affiner les méthodes de travail pour gagner encore et toujours en précision.
À Montrose, l’ancien directeur général de Mouton, stimulé par l’ampleur des moyens mis à sa disposition ne cache pas ses ambitions pour la propriété. “Les décisions d’assemblage se font en dehors de toute contrainte économique”, souligne-t-il. Le pourcentage de grand vin en témoigne : 60 % de la production en 2013, 55 % en 2012, et 47 % pour le 2014. Un millésime classé par Bettane+Desseauve parmi les plus grandes réussites et salué par les notes de 19/20 pour Château Montrose et 16/20 pour la Dame de Montrose.
© Alain Benoit
Un esprit d’équipe
Le premier vin est naturellement dominé à 61 % par le cabernet-sauvignon, avec 30 % de merlot, et 8 % de cabernet franc; tandis que le second se montre plus marqué par le merlot à 50 %, avec 45 % de cabernet-sauvignon et 5 % de petit verdot. Cet “esprit Premier cru” insufflé par Hervé Berland, il le partage aisément avec toute son équipe de cadres, Patricia Teynac (Chef de Culture), Vincent Decup (Maitre de chai), Lorraine Watrin (Responsable Qualité, Commercial et RH) et Hélène Brochet (Responsable Communication). Mais “la star, c’est le terroir”, insiste Hervé Berland, qui se considère comme un coach chargé de mettre la meilleure équipe sur le terrain. Cette “dream team” se retrouve, notamment, pour le repas du millésime, où le 2014 est servi, puis commenté abondamment. Ce n’est pas seulement un simple “company day” mais un véritable briefing d’après match. “Autrefois, nos équipes n’entendaient parler du vin de l’année qu’indirectement, et le goûtaient rarement, alors que là, elles ont l’occasion de le déguster et de comprendre pourquoi il est bon, et comment encore l’améliorer”, souligne Hervé Berland.
Hervé Berland, directeur général
Une viticulture durable
Le virus vertueux de l’innovation semble avoir gagné Montrose, désormais voué au développement durable. Les terres ont été remises en culture traditionnelle. Contre la flavescence dorée, le traitement est obligatoire, mais le tracteur ne passe qu’une fois, et dose en fonction des pièges à cicadelle, cet insecte suceur qui dessèche les bois. Cette approche sur mesure se retrouve dans les installations haute couture entièrement rénovées. Si le cuvier inox construit en 2000 n’a pas nécessité une rénovation complète, il a bénéficié d’une nouvelle isolation. Il a également été équipé d’une vingtaine de cuves supplémentaires, de petites tailles, qui permettent plus de précision dans le travail du parcellaire. Enfin, sa toiture porte une partie des 3 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, invisibles de l’extérieur, qui équipent l’ensemble des bâtiments. Invisible, aussi, “la centrale de géothermie qui assure à Montrose une signature carbone quasi nulle, nous permettant de diviser par deux la consommation d’énergie”, ajoute Hervé Berland avec une pointe de fierté. Un tracteur électrique a même fait ses premiers essais, et bientôt l’observation par drone permettra d’affiner la mesure des maturités.
Finalement, lorsque la famille Charmolüe a mis fin à plus d’un siècle de présence à Saint-Estèphe, c’est Montrose qui en est sorti grand gagnant. Ses tanins légendaires, ses arômes de fruits noirs, et son côté salin, presque maritime, que l’on attribue à sa proximité avec l’Atlantique, ont dorénavant trouvé un écrin à sa mesure. Les élégantes arcades de pierre blonde du grand chai, qui évoquent celles du Grand théâtre de Bordeaux, accueillent ainsi en majesté les 60 % de barriques neuves du grand vin.
Martin et Olivier Bouygues ont même acquis en 2006, les 30 hectares de Tronquoy Lalande, un autre Saint-Estèphe, promu Cru Bourgeois supérieur trois ans auparavant. Le directeur Yves Delsol y réalise un travail de précision, en ligne avec celui des équipes de Montrose. Tout en apportant à la table des Bouygues une vraie gourmandise, un hectare de vin blanc à base de sémillon, et 40 % de sauvignon gris.
Château Montrose en images
© Alain Benoit, Montrose, Hervé Fabre
Hervé Berland et la révolution Montrose
Les vins
© Saison d’or
2013
Vin de parfait équilibre, avec une texture très fine et une qualité de tannin très fondue. Le raisin a été récolté très mûr pour l’année, seul le corps montre un très léger déficit, peut-être est-ce l’effet trompeur d’une bonne proportion de merlot. L’avenir confirmera ou infirmera.
2012
Sélection sévère, nez dense, racé, complet, corps imposant et équilibré, tannin noble, le vin aura plus de précision et d’harmonie que le 2011 et plus d’harmoniques de saveur et de sensations tactiles que dans la plupart des millésimes récents. Le sommet de l’année dans l’appellation.
2011
Évolution remarquable sur cette bouteille, noblement aromatique avec les notes de cèdre et de départ de truffe de ce terroir particulier, et surtout un tannin harmonieux. Millésime à suivre et à surveiller d’une bouteille sur l’autre.
2010
Superbe robe rubis profond, grand nez fins épices et cèdre, chair majestueuse, tanins surfins, allonge tapissante, générosité sans chaleur, grande persistance. Un Montrose splendide avec de l’éclat et une classe folle.
2009
Grand nez de myrtille, énorme matière, avec toute la puissance de ce beau terroir en grand millésime mais il faudra que les tanins s’affinent au long vieillissement.
2008
Sérieusement constitué, net, dense, pour le moment un peu austère, et dégusté hélas juste avant le 2009 moins brillant et moins personnel. Son rival Cos-d’Estournel lui fera de l’ombre dans ce millésime.
2007
Grain de tanin fin, texture racée, bon élevage mais la fin de bouche montre quelques limites, sans doute inhérentes au millésime.
2006
Structure et textures classiques, tendu, épicé, racé mais un brin austère. Excellent tanin, peut-être mieux défini qu’en 2005.
2005
Beau vin équilibré, assez facile pour le cru, tanin souple et charmeur, mais on ne lui trouve pas la monumentalité de ses pairs ni la vinosité des grands millésimes comme 2000 ou 2003.
2004
La robe est dense, le corps plein et harmonieux, le tanin magiquement précis et racé, la persistance digne d’un premier cru classé. Il est peut-être proportionnellement plus réussi que le 2005.
2003
Immense vin, puissant, charnu, magnifiquement sculpté dans son tanin, festival d’épices stéphanoises.
2002
Riche en couleur et en tanin, rond, onctueux, mais pas aussi raffiné que les plus grands margaux ou pauillacs du millésime.
2001
Magnifique saint-estèphe classique, charnu et mûr dans son tanin, énergique et de grande distinction.
2000
Une robe pourpre d’une admirable luminosité, un bouquet noblement épicé et un corps superlatif, avec une petite touche d’austérité. Grand vin, digne de sa célébrité dans le millésime.
1996
Puissant, nerveux, désaltérant, doté de tanins plus secs que le 2000 et le 2003, ce 1996 se situe dans la grande ligne des beaux millésimes océaniques, qui plaît aux connaisseurs mais demande aux débutants une éducation qu’ils ne souhaitent (ou ne peuvent) pas toujours acquérir. Tanin de grande race.
1990
Entrant dans son apogée, le nez, longtemps de type « écurie », est en train d’évoluer vers la rose, le musc et la truffe noire. Le corps et la texture du millésime sont eux aussi exotiques, par un moelleux accentué qui évoque les vins du Rhône, mais dont la volupté est indiscutable, tout comme la très longue persistance aromatique.
© Saison d’or
2013
Jolie robe rubis, très lumineuse, beaucoup de fruit et de souplesse, générosité de texture évidente liée à la forte proportion de merlot, onctueux, séducteur, très adroitement vinifié pour éviter tout tannin anguleux.
2010
Belle robe profonde, nez fin avec des notes de fruits rouges et de cèdre, tanin surfin, allonge raffinée, souplesse mais profondeur
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