par an
Un empire du Rivesaltes
Le Domaine Cazes est depuis quarante ans le gardien d’un temple,où dorment d’extraordinaires vins doux naturels.
Il est temps de les redécouvrir .
Les vins doux naturels du Roussillon sont de grands vins, mais trop peu d’amateurs – et plus encore peut-être de professionnels ! – le savent. La faute à l’air du temps, qui a brutalement remisé les vins doux dans les caves de nos grand’mères ? Certainement, mais pas seulement : la région n’a pas eu suffisamment, depuis trente ans, de vrais leaders portant haut le génie de ces vins sur place et ailleurs. A dire vrai, depuis le départ du regretté Docteur Parcé à Banyuls, seul un nom a tenu le haut de l’affiche déclinante des vins doux naturels : les Cazes, champions incontestés depuis quarante ans du rivesaltes et du muscat de rivesaltes.
André et Bernard Cazes en janvier 2015 à Rivesaltes.
André et Bernard Cazes, la passion du rivesaltes
Les multiples décennies n’ont entamé ni l’allure alerte, ni l’enthousiasme juvénile, ni la passion de la vigne et du vin d’André et Bernard Cazes, qui donnèrent ses lettres d’or à leur maison. Je les ai rencontrés au début de ma carrière de journaliste et bien des fois depuis, je voulais les retrouver chez eux, au milieu de leurs vins, de ceux que Bernard appelle malicieusement des « vins à la douceur naturelle », ces rivesaltes et muscats que leur père Aimé commença à produire avant-guerre, qu’André, carrure de rugbyman et sourire de séducteur, mit en bouteille sous la signature familiale dès les années cinquante et que Bernard perfectionna inlassablement à partir des années soixante-dix. En dégustant avec eux une trentaine de merveilles couvrant quatre décennies et demi, je me rendais compte une nouvelle fois à quel point ces vins paraissent taillés pour l’éternité. Un Aimé Cazes 1973 brille de mille feux avant, pendant et bien après qu’on ait humé son bouquet de fin rancio, savouré son corps voluptueux et oublié de recracher une dernière gorgée à l’interminable persistance aromatique. Mais ce miracle non de l’éternelle jeunesse mais plutôt de l’éternelle maturité se reproduit pareillement avec des vins bien plus modestement tarifés, les rivesaltes « ambré », « tuilé », vieillis 12 à 15 ans ( !) en foudre, les « grenat », mis tôt en bouteille sans travail oxydatif, les muscats qui acquièrent au vieillissement une palette aromatique incroyablement diversifiée. Peu de vins, en France et dans le monde, sont capables de vieillir aussi longuement et avec autant d’harmonie.
Retour en grâce ?
En goûtant ces merveilles, je ne pouvais que me poser la question de savoir par quelle malédiction ces vins de rêve ont tant de mal, depuis des lustres, à trouver leur public et à être reconnu comme tels par les amateurs du monde entier. Le sucre ? Aucun n’apparait pataud ni doucereux, au contraire leur nervosité et leur énergie devrait inciter tout disciple d’Alain Senderens à créer un plat de gastronomie pour chacun d’entre eux. Le degré d’alcool ? Bien moins qu’un banal whisky et guère plus que bon nombre de rouges sudistes surnotés par quelques confrères d’outre-Atlantique… Aucune de ces explications classiques ne me convainc. J’en tenterai deux autres, moins fréquemment mis en avant mais qui me paraissent au final plus pertinentes. La première tient au style des vins. Contrairement aux maisons de porto, les producteurs de VDN ont mis en avant leurs « tawnies » -les cuvées de style oxydatif- plutôt que les « vintages », vinifiés en réduction et mis en bouteille relativement tôt : chez les Cazes, la cuvée « Grenat », qui rentre dans cette catégorie, a toujours eu pour vocation de séduire par son fruit et ses tanins charmeurs, pas d’être élevé en barriques ouillées pour affiner encore un potentiel remarquable. C’est certainement dommage, car seuls les vintages de Porto ont démontré une capacité à être reconnus dans le monde comme des stars internationales et à enflammer les ventes aux enchères. Quelques grands de Rivesaltes, Maury et Banyuls ont eu la volonté de produire de grands vins de type vintage, mais ce furent, et cela reste, des tentatives isolées, trop isolées.
Une distribution en question
La seconde remarque tient à la structure du marché. Les Anglais de Porto et les Portugais ont bâti des maisons de négoce qui commercialisèrent leurs marques en tant que vins, aux côtés des clarets ou des sherrys. Les grandes marques du Roussillon s’engagèrent sur la voie des apéritifs, dans l’univers des spiritueux. Le porto était dans les caves, les Byrrh, Dauré et autres Noilly-Prat (pas vraiment roussillonnais, puisque basé à Marseillan dans l’Hérault) au bar. Dans le monde du bar, une mode en chasse une autre. Ces marques, quand elles existent encore, appartiennent à des groupes internationaux qui les gèrent sans état d’âme. On ne fait pas de grand vin sans grand commerce.
Et les VDN se sont retrouvés, dès les années soixante-dix, sans locomotives pour apporter leurs trésors dans les caves du monde entier. Vignerons talentueux, les frères Cazes ont trimé toute leur vie pour porter la bonne parole. Mais bien seuls, comme le faisait le Docteur Parcé, les coops du Cellier des Templiers ou de l’Etoile à Banyuls, ou le Mas Amiel à Maury. Aujourd’hui, les Cazes ont intégré un groupe ambitieux Advini, et c’est certainement la meilleure chose qui pouvait leur arriver : recréer en Roussillon des maisons puissantes et conquérantes, bien décidées à replacer le rivesaltes là où il devrait être. Dans la cave et dans le verre de tout honnête œnophile.
En images
Les mystères du mutage
Les différents cépages (Grenaches, Macabeu, Malvoisie du Roussillon, Muscats) destinés aux Vins Doux Naturels sont vinifiés :
En blanc, par la fermentation des moûts en phase liquide, après pressurage;
En rouge, par la macération du moût au contact de la peau, pour le Grenache noir.
Pendant la fermentation, le vigneron ajoute au jus de raisin de l’alcool vinique à 96°, dans une proportion de 5 à 10 % du volume du moût. Cette opération, appelée MUTAGE, arrête l’action des levures avant qu’elles n’aient pu transformer tout le sucre en alcool. C’est ainsi que les Vins Doux Naturels conservent une partie de la douceur naturelle contenue dans le fruit.
Le grand entretien
`` On a voulu voler de nos propres ailes ``
Cazes par Cazes
Les vins doux naturels
- Muscat de Rivesaltes
- Rivesaltes Tuilé
- Rivesaltes Collection
- Rivesaltes Grenat
- Rivesaltes Aimé Cazes
- Rivesaltes Ambré
Muscat de Rivesaltes
Cépages
50% muscat d’Alexandrie, 50% muscat à petit grains vinifiés selon trois méthodes :
Mutage en phase liquide au milieu de la fermentation
-pressurage direct et mise en fermentation à 18° C dès la fin du débourbage.
-macération pelliculaire de 24 heures, à basse température. Le pressurage est suivi d’un débourbage et de la fermentation alcoolique à 18°C.
-vendange totalement égrappée et encuvée entière. Fermentation à 20 °C.
Mutage en phase solide
Les trois cuvées sont élevées sur lies fines avec remise en suspension régulière durant 4 à 5 mois. Mise en bouteilles dans les 6 mois suivant la récolte et conservation en cave climatisée
Degré alcoolique
15 % Alc/Vol, sucres résiduels : environ 110 g/litre.
Blanc
2011
Muscat complet, évitant les arômes technologiques, sur le fruit du muscat avec des nuances d’orange, la finesse est au rendez-vous mais avec l’enveloppe nécessaire (gras de la texture et bonne richesse en sucre).
2010
Magnifique parfum floral, fruits exotiques, longueur ample et gourmande, beaucoup d’allonge.
2001
Robe ambrée, nez plus épicé que muscaté, subtil caractère iodé, le sucre a été digéré; un grand muscat plus adapté à un canard laqué à la pékinoise qu’à l’accompagnement d’un dessert!
2000
Grand nez de pain d’épices, bouche ample et large d’épaule, sucre totalement intégré, allonge moelleuse et intense, volume profond avec une finale de cédrat confit. On adorerait qu’un grand chef imagine pour lui un accord à sa hauteur!
1999
Ce millésime est resté d’une grande jeunesse avec des notes très rafraîchissantes de zeste de mandarine et de bergamote, une allonge allègre et suave, une profondeur persistante, beaucoup d’avenir.
1998
Plus souple et plus rondouillard que les millésimes précédents et suivants. Une année tendre et riche en sucre, à réserver à un dessert.
1997
Droit, précis, épicé et fin, belle allonge en sveltesse et en intensité épicée. Beaucoup de race.
1995
Robe dorée, pâte d’amande et muscat confit, notes de fenouil, finesse enveloppante, grande onctuosité sans trop de lourdeur sucrée. Splendide.
1993
Notes de clous de girofle, cannelle, fruits confits, corps large et onctueux, fraîcheur sur le zeste confit en finale.
1992
Robe acajou, amande et miel, notes confites, grande ampleur riche et et savoureuse, aucune pesanteur sucrée, allonge magnifique.
1991
Ample et velouté, voluptueux, gras, notes de camphre, de cédrat confit, de miel de fleurs, d’une fraîcheur éblouissante.
Rivesaltes tuilé
Cépage
100% grenache noir.
Vendange égrappée et fermentation à 28°C. Mutage en milieu de fermentation à l’alcool neutre sur le chapeau de marc. Macération sous alcool de 2 semaines. Elevage 12 ans dans des vieux foudres de chêne pour provoquer son oxydation. Après mise en bouteilles, conservation en cave climatisée.
Degré alcoolique
16.5 % Alc/Vol. Sucres résiduels : 95 g/litre.
Ambré
1986
Robe acajou, épices, poivre blanc, plus de vigueur que l’ambré, un caractère intense et chaleureux.
1985
Grand caractère épicé, intense, volume riche et complexe, longueur intense. Issu d’une même base mais bénéficiant d’un élevage plus ambitieux en foudres, le tuilé acquiert au vieillissement dans ce millésime plus de complexité que le vintage.
1984
Acajou, grand arôme d’épices et de mandarine confite, tanin puissant et énergique, finale tendu et vive. Devrait inspirer un grand chef!
1982
Robe souple, bel acajou translucide, dans la finesse, noix et épice, rondeur délicate, beaucoup de persistance.
Collection Cazes – Rivesaltes
Cépage
100% Grenache Blanc
Terroir
Argilo-calcaire avec des galets roulés issus des contreforts des Corbières.
Vinification
Pressurage direct. Mutage à l’alcool neutre en phase liquide, en cours de fermentation alcoolique.
Elevage
Ce vin a été élevé pendant près de huit décennies dans son fût d’origine.
Degré alcoolique
17,5 % alc/vol
Rouge
1955
Coloré, pâte d’amande, noix, finale plsu simple et courte que les Aimé Cazes mais droiture sans lourdeur sucrée.
Rivesaltes Grenat
Cépage
100% grenache noir
Vendange égrappée. Fermentation à 28 °C. Mutage à l’alcool neutre, sur le chapeau de marc, en milieu de fermentation. Macération sous alcool de 2 semaines. Mise en bouteille dans les 12 mois qui suivent la vendange et conservation en cave climatisée.
Degré alcoolique
16.5 % Alc/Vol. Sucres résiduels : environ 90 g/litre.
Grenat
2011
Grenache noir muté sur grain à la robe très dense, fruit rouge et noir intense, franc, tanin présent sans rudesse, fraîcheur gourmande en finale.
1994
Macération pure sortie du pressoir mis directement en bouteille : caractère juvénile incroyable, robe opaque rouge grenat, tapenade et truffe avec du fruit noir, allonge très riche, tanin présent avec une certaine rusticité mais une aptitude au vieillissement incroyable : on a presque l’impression qu’il vient d’être produit.
1990
Robe rouge assez claire, pruneau, mûre et chocolat, fraîcheur et vivacité, la finale n’est pas d’une profondeur incroyable mais elle a du nerf et du fruit.
Rivesaltes cuvée Aimé Cazes
Cépages
80% grenache blanc, 20 % grenache noir.
Pressurage direct. Débourbage, fermentation à 18°C. Mutage à l’alcool neutre en phase liquide, en cours de fermentation. Elevage de 22 ans dans des vieux foudres de chêne pour provoquer son oxydation. Il y a une évaporation de 7% par an soit plus des 2/3 du volume au terme de son élevage. Après mise en bouteilles, conservation en cave climatisée.
Degré alcoolique
15 % Alc/Vol. Sucres résiduels : 116 g/litre.
Ambré
1978
Une magnifique complexité, longueur infinie, toutes les merveilleuses notes de café, de caramel, de fruits figués, propres aux grands VDN. Le vin est épanoui et intense, et surtout d’une persistance aromatique absolue.
1976
D’une droiture extraordinaire avec le caractère caramel / nougatine, amandes et noisettes, figues séchées, allonge profonde, rigoureuse dans sa construction, intense.
1975
Dans la finesse et la longueur, finement noisetté, zestes d’agrumes confits, allonge sans lourdeur, élancé.
Rivesaltes ambré
Cépage
100% grenache blanc
Pressurage direct. Débourbage et fermentation à 18 °C. Mutage à l’alcool neutre sur jus en cours de fermentation. Elevage de 7 ans dans de vieux foudres de chêne pour provoquer son oxydation. Après mise en bouteille, conservation en cave climatisée.
Degré alcoolique
16% Alc/Vol. Sucres résiduels : 120 g/litre.
Ambré
1990
Superbes arômes de mandarine confite, bouche tendre, longueur finement épicée, fraîcheur souple.
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