Un rosé plus loin
L’ambition rose
Non, nous ne parlons pas de politique, mais de la couleur du vin quand les peaux des raisins n’ont pas livré tous leurs pigments naturels, aussi connus sous le nom d’anthocyanes. La Provence, ce fabuleux terroir à blancs et à rouges, a fait sa gloire (et la trésorerie de ses vignerons) avec du vin rosé. Il y a peu, le rosé était considéré comme un tord-boyaux, un château-migraine, même pas un vin puisqu’on mettait des glaçons dedans.
Tout ceci change peu à peu sous la poussée exigeante de nouveaux arrivants. Ceux-là ont bien compris que l’avenir n’est pas dissociable d’une production de bonne qualité.
Du coup, de plus en plus de vins rosés sont devenus buvables, bons ou très bons, certains même sont très, très bons. Là, comme ailleurs dans le vertueux vignoble français, on commence à bien travailler, le bio ne fait plus ricaner personne, on sélectionne, on vendange la nuit pour préserver la fraîcheur des raisins, on pratique la sélection parcellaire, on réfléchit et on s’agite un peu sous le soleil du pays des vacances.
Ainsi du château Gassier, au pied de la montagne Sainte-Victoire, cette énorme chose de pierre où vivent les aigles. Sous la poigne énergique, mais courtoise et de bonne humeur, d’Olivier Souvelain et dans un décor incroyablement fort, la puissance tellurique est ici une réalité qu’on ressent, Gassier est en pleine révolution culturelle. Mieux que ça, leurs trois rosés, à trois niveaux de prix, sont des modèles du genre. La cuvée haut de gamme, baptisée « 946 », c’est l’altitude de la Croix de Provence sur la Saint-Victoire, est un grand vin. Rosé, certes, mais grand. C’est un rosé qui fermente et est élevé en demi-muids, des gros tonneaux de 500 litres, comme le superbe blanc de la même gamme. Ces deux vins valent 29 euros, ce qui est un prix élevé, surtout pour du rosé. C’est aussi une indication précieuse sur le niveau de l’ambition du producteur. Olivier nous a précisé qu’il ajoutera un rouge, bientôt.
Ces gens ont le temps. Gassier a été repris il y a cinq ans par AdVini, l’entité née du rapprochement entre JeanJean en Languedoc et Laroche à Chablis. Ce qui signifie que tout le vignoble de Gassier est en cours de conversion bio comme l’ensemble des vignobles du groupe.
La Provence est de retour.
Dans la grande famille AdVini, Olivier Souvelain est le petit dernier. Patron de la maison Gassier, en Provence, il produit en rose et blanc. Bientôt, en rouge aussi. Au pied de la Sainte-Victoire, il a entrepris la conversion en bio des quarante hectares. Ça se passe comme ça chez AdVini. Comme tous ses pairs, il a des objectifs et des exigences. Ce qui ne l’embarrasse pas outre mesure. Nous attendons tous ses prochaines cuvées.
Le domaine
La famille Gassier achète la propriété en 1982, avec ses 40 hectares de vigne. En 2004, le rapprochement avec le groupe Jeanjean, devenu depuis AdVini, permet de sceller une collaboration efficace.
Les terroirs sont bien différenciés : côté ouest, l’ensemble sablo-limoneux est adapté pour la syrah, au nord le sol sablo-argileux comprend des grès avec des galets roulés parfaits pour le grenache. Les sols de bas de coteaux, à l’est, sont à la fois profonds et caillouteux, bons pour le cinsault. Le sud plus sec, avec ses cailloutis, convient au grenache noir et au rolle. Tout ce travail en amont, couplé à l’interceps, évite le désherbage chimique ; il a permis au domaine de passer en conversion biologique dès le millésime 2013.
Le Château au pied de la montagne
Installé en contrebas du massif de la Sainte-Victoire, dans le décor énorme de la Provence de Pagnol, la maison Gassier est en pleine transformation. Arrachage et replantation, conversion bio, chai en cours de modernisation. Si, pour l’instant, l’indépendance financière est assurée par une production quasi exclusive de vins rosés de bonne qualité pour 140 000 cols environ, les ambitions sont différentes.
Chez Gassier, on rêve à voix haute d’un beau vin rouge qui puisse devenir une icône du Sud. Sans oublier qu’il faut dix ans à une vigne pour donner le meilleur d’elle-même. Le vin n’est pas une activité de gens pressés.
Gassier en images
Un rosé pas comme les autres
Quand la cuvée 946 rosé bouscule les idées reçues
Les recettes de la cuvée 946 (mais pas les secrets)
Le chef, le winemaker et l'accord
La dégustation
Les rosés offrent de plus en plus de complexité. Ils sont taillés pour la table.
2014
Belle robe rose pâle, arômes fruités dominés par les notes d’agrumes, corps rond, harmonieux, concentré et profond. Équilibré et frais.
2013
Petits tannins de fruits rouges avec derrière une fraîcheur et une grande persistance : sur un tel vin, on va chercher la finesse et la profondeur.
2012
Nez de pêche blanche et d’agrumes, la bouche offre une souplesse coulante, avec une finale florale sur le pétale de rose.
2014
Ample, charnu, beaux arômes de fruits rouges, une réelle intensité en bouche, un rosé qui n’aura pas peur d’accompagner des ventes grillées.
2013
Accents de pamplemousse, de pêche et de poivre blanc, la bouche offre une persistance subtile.
2012
Un Pas-du-Moine qui a la bonne pointure avec ce rosé gourmand au fruité croquant, avec des touches de bonbon, de poivre blanc et d’agrumes. La bouche se révèle élégante, longue et fraîche. Que du bonheur !
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Crédits photos : Alexis Narodetsky
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