% d'export international
hectares exploités
% de rouge
hl en 2013

La parfaite définition d'un grand terroir

La colline de l’Hermitage offre un paysage saisissant. Elle se découpe nettement dans le ciel, et le tracé du Rhône à cet endroit, qui effectue un coude de l’ouest vers l’est, lui offre une exposition plein sud et perpendiculaire à l’axe du fleuve. La majesté du site, ainsi que la notoriété des vins qui en sont issus, ont d’ailleurs donné leur nom à deux des trois communes sur lesquelles est située l’appellation : Tain (devenue Tain-l’Hermitage, située au pied de la colline, en bordure du Rhône, face à Tournon), Crozes (devenue Crozes-Hermitage, autre appellation fameuse, dont la commune est située sur le plateau, au nord) et Larnage (située à l’extrémité est de la colline). Une particularité qui n’est pas l’apanage de la vallée du Rhône, on relève des cas similaires en Bourgogne, notamment : les villages de Chassagne et de Puligny se sont adjoints le nom du célèbre climat Montrachet, le village de Vosne celui du grand cru Romanée, et la commune de Gevrey a capitalisé sur la célébrité du Chambertin. Des similitudes qui, d’emblée, mettent l’amateur dans de bonnes dispositions.

Plongeant depuis le plateau de l'Hermite vers la ville de Tain, le spectaculaire coteau du Méal, avec ses galets roulés.

LA COLLINE FACE AU RESTE DU MONDE

Appellation phare de la vallée du Rhône, l’Hermitage est régulièrement saluée pour l’homogénéité et la qualité de ses vins. Son climat, de type continental mais avec une influence méditerranéenne, permet une bonne maturation des raisins. Grâce au vent du nord, qui sèche les feuilles et les grappes après la pluie, la pression maladie est limitée sur le site, ce qui réduit les traitements nécessaires.En rouge, la syrah, dans sa forme classique comme dans sa version « serine » (la syrah à petits grains, offrant des peaux plus épaisses mais moins de jus) est quasiment à sa limite septentrionale de culture.
En blanc, si les deux cépages marsanne et roussanne sont autorisés, le premier est largement majoritaire sur la colline. Bien que le décret autorise la production de vins rouges contenant jusqu’à 15 % de raisins blancs, peu de producteurs utilisent cette possibilité.
Les évolutions liées au climat affectent le vignoble. Conséquence du réchauffement climatique, mais aussi –paradoxalement- récompense de meilleures pratiques vigneronnes, la maturité des raisins augmente, entraînant à la hausse le titre alcoométrique de nombreuses cuvées, régulièrement au-dessus de 14°. L’enjeu pour les décennies à venir sera de conserver aux vins leur équilibre et leur buvabilité, comme ailleurs. Les nouvelles maladies observées récemment, comme le dépérissement de la syrah, affectent également la colline.

Deux couleurs pour une même appellation

Depuis toujours, les hermitages existent en blanc et en rouge. La reconnaissance de l’appellation contrôlée, en 1937, n’a fait qu’entériner les usages locaux, loyaux et constants, chers au principe même de ces appellations. Voilà un rare exemple d’un terroir qui hisse la réputation de ses vins à un tel niveau, dans les deux couleurs. Les hermitages blancs offrent sans doute plus de régularité d’un millésime à l’autre, plus de constance, là où les hermitages rouges offrent plus de contraste entre les grandes et les petites années.
La tradition des vins de paille se perpétue également, grâce à quelques producteurs enthousiastes qui entretiennent la flamme de la tradition même si la rentabilité n’est pas au rendez-vous, en raison de rendements dérisoires et d’un processus d’élaboration particulièrement long.

Des vins raffinés et d’une grande longévité

Les blancs ont toujours été produits en quantités plus limitées que les rouges (aujourd’hui, le ratio est de 1 pour 4 environ), mais par le passé, ils étaient bien plus recherchés que les rouges. Les négociants des XVIIIe et XIXe siècles le savaient bien, eux qui devaient acheter plusieurs pièces de vin rouge pour avoir le droit d’en obtenir une de vin blanc. L’hermitage blanc recevra même au XIXe siècle le titre officieux de vin blanc le plus cher de France, devant les grands vins blancs de Bourgogne, les sauternes ou les champagnes.
Les hermitages blancs sont de formidables vins de gastronomie, que ce soient des poissons, des crustacés nobles (accord fantastique avec un homard à la vanille), des viandes blanches ou des volailles, mais dans des préparations assez riches, au beurre ou à la crème, comme on les faisait couramment au XIXe siècle, du temps de sa grande réputation (celle du vin, s’entend). Les goûts des consommateurs ont évolué sur les dernières décennies, vers des plats moins riches, avec moins de sauces, et d’autres vins blancs on certainement mieux tiré leur épingle du jeu. D’autant que l’engouement des nouveaux consommateurs se porte principalement vers les vins rouges, phénomène que l’on observe dans la plupart des vignobles. Toujours est-il qu’aujourd’hui, les hermitages rouges sont certainement plus plébiscités que les blancs, même si la rareté permanente des blancs en fait par nature un produit difficile d’accès. Mais ces hermitages rouges sont également de redoutables compagnons de festins, des champignons aux produits de la chasse, avec en point d’orgue le lièvre à la royale, pour se cantonner aux accords classiques.
Dans les deux couleurs, les vins possèdent un remarquable potentiel de garde. Bâtis pour durer, ils peuvent défier les décennies, et peut-être plus encore en blancs qu’en rouges. Quelques millésimes d’hier sont devenus légendaires (1961), mais, plus proches de nous, les 1990, 1991, 1999 ou 2005 feront parler d’eux longtemps. Et grâce aux progrès techniques réalisés ces dernières années dans la région, ils devraient atteindre des sommets de raffinement encore plus élevés.

Une amélioration qualitative

Comme de nombreuses régions françaises, la vallée du Rhône a vu la qualité de ses vins s’améliorer au cours des vingt dernières années, conséquence de progrès viticoles et œnologiques mais également fruit d’investissements importants. La succession de bons voire d’excellents millésimes, depuis 1995, n’est pas non plus étrangère à la grande régularité des vins (à l’exception de 2002 et 2008, soit seulement deux millésimes médiocres en quatorze ans).
A partir des années 1990, une viticulture plus soignée a vu le jour. Les gains retirés d’une meilleure valorisation commerciale des vins ont peu à peu été réinvestis dans le travail des sols, permettant progressivement de substituer le travail manuel –certes coûteux mais tellement plus qualitatif- aux molécules de synthèse. Les pratiques inspirées de l’agriculture raisonnée ou biologique ont progressivement pris le pas sur les autres, certains optant pour la conversion à la biodynamie.
Les améliorations sont également venues de la cave, avec une correction des schémas de vinifications. Surtout, les vieilles futailles ont petit à petit été remplacées par du bon bois, neuf ou récent. Barriques bordelaises, pièces bourguignonnes ou demi-muids ont ainsi remplacé les vieux tonneaux à l’étanchéité douteuse et dont l’entretien pouvait laisser à désirer, provoquant des contaminations préjudiciables ou communiquant des tanins secs.
Ces évolutions ont été permises par un apport d’argent frais dans la région (un contexte économique porteur), mais également par une évolution des mentalités due tant à un changement de génération qu’à une arrivée de nouveaux acteurs. Michel Chapoutier ou Jean-Louis Chave, par exemple, arrivent aux commandes durant la décennie 1990, et appliquent les idées de l’époque. Dans le même temps, certaines maisons changent de main : Delas au milieu des années 1990, Jaboulet en 2006, mais aussi Guigal en 2001, nouveau-venu comme propriétaire. Ces changements de propriétaires ou de direction ont également permis un brassage des idées et des styles.

Une évolution du style

Parallèlement à cette passation de pouvoir, le style des vins a évolué au gré des millésimes.
Les hermitages blancs sont des vins de faible acidité, sur le plan analytique. C’est la minéralité du terroir qui leur donne tension et longueur en bouche. Longtemps, à l’exception d’une ou deux sources, les vins présentaient régulièrement un style « plombé » caractéristique : des vins mous et d’évolution rapide, aux notes miellées prononcées (le miel lourd et vieux, voire la cire d’abeille, pas le miel fin et élégant) parfois confondues à tort avec l’expression de l’origine. Ces vins souffraient d’une oxydation prématurée, leur richesse en alcool et leur faible acidité naturelle ne faisant qu’accentuer la perception du phénomène. Si la grandeur du terroir finissait par s’exprimer, les dégâts causés à la naissance étaient néanmoins irréparables. Depuis peu, le style de nombreux producteurs a évolué vers plus de fraîcheur et de pureté. Plus respectueuse de l’environnement, la viticulture produit alors un fruit plus sain. Une meilleure prise en compte de la maturité permet également de respecter les caractéristiques du raisin. Comme l’exposition plein sud de la colline permet assez facilement de récolter des raisins en surmaturité, on est dorénavant plus attentif à ramasser les baies à la juste maturité. Les méthodes de vendanges ont également évolué, dans le but de mieux respecter le raisin. Si la cueillette a toujours été manuelle sur la colline, les idées venues d’ailleurs ont soufflé l’usage de petites caisses lors des vendanges, pour éviter un entassement des raisins dans les hottes traditionnelles. Percées de trous, elles éliminent les jus oxydés lors du transport jusqu’au pressoir. Désormais, un soin particulier est porté à la prévention de l’oxydation des moûts, cause de dégâts irréversibles dans le vin. Chez Jaboulet, suite au rachat, l’arrivée de l’œnologue Denis Dubourdieu a poussé encore plus loin cette évolution du style, donnant au vin un caractère pur et cristallin qui en a surpris plus d’un, mais qui devrait avec le temps affirmer toute sa légitimité.
L’évolution des hermitages rouges est au moins aussi spectaculaire. Un meilleur raisin, plus sain et mieux équilibré, et une vendange au plus parfait de la maturité phénolique ont fait beaucoup. Mais les schémas de travail ont été revus, afin de n’extraire que le meilleur des tanins, sans excès. Une hygiène de cave et une plus grande rigueur dans le processus de vinification ont permis aux vins de se débarrasser de leurs notes animales ou giboyeuses prononcées, parfois déviantes comme le montrent quelques vieux millésimes.
Et loger ses vins mieux conçus dans du bois jeune et de meilleure qualité a donné une résonance à ce rafraîchissement du style. Quelques notes boisées sont apparues dans les vins, mais assez modérées dans l’ensemble. Tous les gros opérateurs de la colline ont connu cette évolution, au gré de leurs moyens et de leur capacité à financer ces investissements et ces changements : Chapoutier, la cave de Tain, Jaboulet, Delas. De tous, Jean-Louis Chave est sûrement celui qui a évolué dans la continuité, sans rupture.

C’est quoi, à la fin, l’Hermitage ?

Avec une telle diversité de quartiers, de sous-sols et d’expositions, comment rendre compte au mieux des différences d’expression dans le vin ? D’autant que le problème est multiplié par deux, deux comme le nombre de vins que l’on peut produire sur l’appellation.

Qu’est-ce qu’un hermitage ? Plusieurs réponses sont données dans les pages qui suivent, grâce à l’interprétation des différents vignerons du cru. Pour chacun d’entre eux, l’idéal se confond souvent avec la marge de manœuvre, tant le fait de disposer (ou pas) d’un joli patrimoine de vignes rend plus facile la mise au point d’une philosophie accomplie de l’Hermitage. A cet égard, les meilleurs exemples proviennent évidemment des grands propriétaires de la colline, la qualité et la diversité de leurs approvisionnements leur permettant l’élaboration de cuvées reflétant au plus juste leur démarche. Les prix de vente élevés de certaines cuvées rendent évidemment plus viables de telles démarches. Les « petits » -mais néanmoins heureux- propriétaires (Caves Fayolle, Domaine Belle, Domaine Philippe et Vincent Jaboulet, etc.) se contentent d’élaborer une cuvée assemblant leurs différentes vignes, participant à leur manière à ce grand débat.
Principal propriétaire, Chapoutier s’appuie justement sur ses trente hectares pour mettre en musique deux symphonies différentes chaque année. D’un côté, des cuvées d’assemblage (Chante-Alouette en blanc et Monier-de-la-Sizeranne en rouge) accessibles, qui constituent de dignes représentants de l’appellation, et de l’autre, des cuvées spéciales (Michel Chapoutier leur préfère le terme de sélection parcellaire) qui se veulent, année après année, la photographie la plus exacte possible de leur terroir : Le-Pavillon sur les Bessards, le-Méal sur le coteau du même nom, etc. Lui que l’on présente comme le chantre du parcellaire joue en fait sur les deux registres, même si, incontestablement, les sélections parcellaires constituent ici le haut de gamme. Autre important propriétaire grâce à son vignoble en propre et aux coopérateurs qui apportent leurs raisins, la cave de Tain a opté quant à elle pour une démarche d’assemblage, aucune des cinq cuvées (y compris le haut de gamme, Epsilon) ne revendiquant une origine particulière sur la colline. Jaboulet, de son côté, a toujours eu une démarche d’assemblage, y compris pour ses cuvées célèbres La-Chapelle et Chevalier-de-Stérimberg. Si La-Chapelle est sans doute le vin le plus célèbre de l’Hermitage, c’est essentiellement une base de Méal et de Bessards, sans que les deux quartiers soient revendiqués.

Jean-Louis Chave a opté pour une démarche plus personnelle, à la suite de son père Gérard, pour tenter d’interpréter à sa façon le génie de la colline. Lui réfute toute idée de sélection parcellaire, et ne jure au contraire que par les vertus de l’assemblage, seul à même à ses yeux d’illustrer la complexité de l’appellation. Son grand vin est ainsi un assemblage de ses différents terroirs, même si les Bessards en constituent un socle inébranlable, qui donnera toute sa profondeur et son fil conducteur au vin. La cuvée Cathelin repose sur la même philosophie, fruit d’une démarche d’assemblage encore plus poussée. Entre les tenants de l’assemblage et ceux de la sélection parcellaire, Delas a choisi de ne pas choisir : Marquise-de-la-Tourette est un vin d’assemblage, tandis que Les-Bessards est un parcellaire. Sans doute en raison de sa relation particulière avec Chapoutier, la maison Ferraton a elle aussi opté pour une démarche qui combine assemblage (Les-Miaux) et sélection parcellaire (par exemple Les-Dionnières, sur le quartier du même nom). Dernier arrivé dans la cour des grands propriétaires, Guigal a délibérément mis en œuvre une politique d’assemblage, avec la cuvée Ex-Voto en point d’orgue.

On le voit, il existe différentes manières de comprendre l’Hermitage. C’est sans doute la signature des grands terroirs que d’exprimer autant de personnalité dans la diversité des interprétations. Que ce soit Michel Chapoutier, Caroline Frey, Jean-Louis Chave, Jacques Grange ou Philippe Guigal, pour ne citer que les producteurs les plus en vue, chacun y répond à sa manière, preuve que le débat est loin d’être clos. Qui s’en plaindrait ?

LES TERROIRS DE L'HERMITAGE

Bordée par la vallée du Rhône à l’ouest et la vallée de la Bouterne à l’est, le paysage semble paisible. Pourtant, la naissance de ce site mit en jeu des forces titanesques. En effet, la colline de l’Hermitage, du moins sa roche primaire, offre la même composition que les collines de l’Ardèche, situées juste en face, sur l’autre rive de la vallée du Rhône, ce qui signifie qu’il s’agit là d’un pan entier du Massif Central, entaillé puis détaché par le Rhône. Lors de la formation des Alpes, le Rhône connut plusieurs modifications de son cours, dont celle qui le fit fendre la montagne en deux. D’ailleurs, les granites du cœur de la colline sont des « granites porphyroïdes de Tournon », Tournon étant aujourd’hui situé sur la rive droite du Rhône. Et là où une partie des coteaux de Tournon sont exposés au nord, peu propices à la vigne, l’incurvation du Rhône a permis non seulement le détachement de la colline, mais également son exposition optimale, plein sud. Une aubaine pour un site quasiment à la limite septentrionale de la culture de la syrah.

cépages
année de création de l'AOC
Sable
Argile
Gravier
Galets

Sable, galets, gravier, argile

Si, fort heureusement, les éléments se sont apaisés depuis, on trouve aujourd’hui encore une trace visible des différentes époques de formation géologique de la colline. Les différents quartiers de l’Hermitage (Bessards, Méal, etc.) n’en sont que la traduction, plus ou moins précise. A l’ouest se situent les sols les plus anciens.
La dégradation des terrains primaires issus du Massif Central a donné naissance à des arènes granitiques au sol décomposé, sableux. Leur grande instabilité ainsi que la raideur de la pente ont obligé l’homme à bâtir de nombreux murets en pierres sèches pour retenir ce sable précieux, propice à l’érosion et au ravinement : c’est ce qu’on peut constater notamment dans le secteur des Bessards ou de la Chapelle. Les fortes pluies qui s’abattent parfois sur la région, comme en septembre 2008 par exemple, mettent à mal ces fragiles barrages qu’il faut en permanence relever et entretenir à grands frais.

Plus à l’est, à partir du Méal, la pente s’adoucit légèrement en milieu de colline, le sol est constitué principalement de galets roulés, provenant des moraines glacières du Quaternaire. Les murets se font moins nombreux. La physionomie de la colline change, les parcelles y sont en général plus grandes. Dans le bas de la colline, moins en pente, des couches de limons et d’argiles ont été déposées par le Rhône, mêlées à plus ou moins de cailloutis ou de graviers, au gré des formations des différentes terrasses alluvionnaires et de leur niveau d’élévation, ainsi que des soulèvements du terrain. Au sommet de la colline, sur des replats comme l’Hermite et Maison Blanche, les vents du nord ont apporté, à la fin du Quaternaire, des dépôts éoliens calcaires, des lœss, que l’absence de pente et d’érosion ont maintenu sur place. Enfin, sur Beaume, l’érosion a creusé des cavités dans la colline, le sous-sol y étant particulièrement tendre, mais l’ensemble est soutenu par des poudingues, des blocs de galets compactés grâce aux eaux de ruissellement riches en calcaire, qui ont formé là un ciment naturel. Dans ce secteur, comme sur toute la partie est de la colline, les murets sont d’ailleurs en galets et non en pierres sèches. Toutes ces différences dans la nature du sous-sol se retrouvent à la dégustation. De même, la composition du sol à un endroit précis favorise généralement la présence d’un cépage plutôt qu’un autre : sur les granites décomposés des Bessards, la syrah s’impose, mais d’autres quartiers de la colline, plus alcalins ou calcaires, comme Maison Blanche, Rocoules ou l’Hermite (du moins pour sa partie lœss), favoriseront les plantations de cépages blancs.

Apprendre à lire l’Hermitage

Lire une carte de l’Hermitage est un exercice passionnant et pourtant la chose est complexe, car plusieurs grilles de lecture sont possibles. L’appellation est unique et pourtant ses terroirs sont pluriels. L’approche classique consiste à étudier les différents quartiers de la colline : Bessards, Méal, Maison Blanche, etc. L’avantage de cette méthode est de se référer à des zones faciles à identifier lorsqu’on se promène sur la colline, certaines sont même visibles de loin (par exemple la ligne de cyprès qui sépare le Méal de l’Hermite). Le problème, c’est que ces différents quartiers ne sont pas parfaitement homogènes. Une approche plus pointue consiste donc à identifier les sols et les sous-sols, ainsi que leurs subtiles variations, au sein du même quartier.
Par exemple, les Bessards sont constitués de pure granite décomposé et sableux si l’on est au cœur du coteau, mais vers le bas, une légère vague d’argile est venue se déposer sur le granite, entraînant une différence d’expression dans le vin (un peu plus d’étoffe et de chair, un peu moins de finesse et de droiture minérale).

De même, sur le Méal, autre terroir d’exception de la colline, les dépôts plus ou moins caillouteux des différentes terrasses alluviales du Rhône, combinés à l’érosion, entraînent des variations entre le haut et le bas du coteau. Il faut également prendre en compte les vallons, dont l’encaissement plus ou moins prononcé met certaines parcelles assez vite à l’ombre dans la journée. Dans l’ensemble, l’exposition du coteau est plein sud, mais deux vallons profonds entaillent la colline, entre le Méal et Beaume, et entre l’Homme et la Croix, ainsi qu’une vallée entre la Croix et Torras et les Garennes. Enfin, l’altitude est un paramètre à ne pas négliger, même sur une appellation à la surface aussi restreinte. Entre la bas et le haut du coteau existe un dénivelé de près de 200 mètres, qui n’est pas sans affecter les dates de maturation du raisin, toujours plus précoce dans le bas de la colline et plus tardif en haut. A noter que, contrairement à une idée reçue, la Chapelle ne se dresse pas au sommet de la colline, mais à 280 mètres environ, alors que le quartier des Grandes Vignes culmine à 320 mètres. Dès lors, on comprend mieux la sagesse des anciens, qui découpaient les vignobles plantés en coteaux (sur l’Hermitage mais pas seulement) en bandes verticales, afin qu’aucun propriétaire ne soit pénalisé ou avantagé plus que les autres.
Tout le monde possédait ainsi un peu de bas de coteau (donnant une expression un peu plus lourde au vin), un peu de milieu (souvent les sols les plus purs, les plus recherchés) et un peu de haut (où les sols étaient les plus pauvres, avec peu de rendements). En outre, cela permettait d’avoir une gestion collective des eaux de ruissellement et des conduites d’écoulement, tout le monde étant concerné par le problème de l’érosion, depuis le haut jusqu’en bas de la colline. A cet égard, l’Hermitage reste un modèle de gestion encore aujourd’hui.

« Dès lors, On comprend mieux la sagesse des anciens, qui découpaient les vignobles plantés en coteaux en bandes verticales, afin qu’aucun propriétaire ne soit pénalisé ou avantagé plus que les autres. »

« l’Hermitage reste un modèle de gestion encore aujourd’hui »

L’Hermitage, quartier par quartier

Les Grandes Vignes : Le quartier domine la colline et la petite chapelle, il abrite d’ailleurs le point culminant de l’appellation, à 320 mètres d’altitude. Le sol y est de grande qualité, de même nature que sur la partie centrale du Bessard, à savoir des sols de sables granitiques. Cependant, l’altitude un peu plus élevée ainsi qu’une érosion importante des sols (comme pour toute partie supérieure de colline) font que les vins y sont un peu moins recherchés. Dans sa partie est, le quartier rejoint l’Hermite et ses sols de lœss.
Les Bessards : On entre là dans le cœur de l’Hermitage, son âme, pourrait-on dire. D’abord parce que ce coteau est légèrement avancé par rapport au reste de la colline, ce qui le rend visible de loin. En outre, il abrite en son sommet la petite chapelle, qui se détache nettement de la pente. Enfin, et surtout, parce qu’il s’agit d’un des sols les plus magiques du cru, un sol très décomposé, sableux, fait de granite porphyroïde de Tournon. Cela donne des vins très purs, à la bouche minérale mais d’une grande finesse. Dans sa partie basse, le coteau comporte une petite couche argileuse, qui donne plus d’étoffe au vin. Ce climat figure régulièrement dans l’assemblage des grands hermitages : La-Chapelle de Jaboulet en contient systématiquement, Delas en a fait une cuvée parcellaire du même nom, Le-Pavillon de Chapoutier est un pur Bessard même s’il ne revendique pas le nom du coteau, et les deux cuvées de Jean-Louis Chave sont toujours assises sur une dominante Bessards. Fermez le ban !
Varogne : C’est le quartier le plus à l’ouest de la colline. Il se situe derrière la ligne de crête qui borde les Bessards. Son sol est fait de granite porphyroïde de Tournon, comme les Bessards, mais il se distingue de ce climat par une exposition moins privilégiée, avec notamment des parties dans l’ombre de la colline, raison pour laquelle on ne le retrouve dans aucune cuvée majeure produite sur l’Hermitage.
Le Méal : Voici, avec les Bessards, l’autre grand quartier de l’Hermitage. Le Méal, c’est d’abord un coteau impressionnant, exposé plein sud, qui descend en pente forte vers la ville de Tain et le Rhône, mais c’est aussi un terroir de galets très particulier, apportés en vagues successives par le Rhône. Cela donne au vin des accents très sudistes, méridionaux, dominés par les fruits noirs puissants, les épices voire les herbes de Provence. On le retrouve bien entendu dans les grandes cuvées : La-Chapelle de Jaboulet en contient beaucoup, Chapoutier et Ferraton en ont fait une sélection parcellaire, Marc Sorrel en fait la base de sa cuvée de Gréal, Jean-Louis Chave et Guigal l’incorporent dans leurs vins.
Les Plantiers : On est ici dans le bas de la colline, sous le coteau du Méal, dans le prolongement des Greffieux. Le sol provient des terrasses alluviales du Rhône, fait d’argiles et de limons. Ce n’est pas un quartier majeur de la colline.
Les Vercandières : Cette partie est coincée entre le bas du Bessard et la voie de chemin de fer, qui longe la colline à cet endroit. En dépit de sa proximité avec les Bessards, le sol ne provient pas de granite décomposé mais d’apports limoneux des terrasses fluviales du Rhône, un sol argilo-sableux moins intéressant que celui de son illustre voisin. Chez Jean-Louis Chave, par exemple, ce climat est systématiquement écarté de l’assemblage du grand vin.
L'Ermite : L’Ermite est majoritairement situé sur un replat au sommet de la colline, en haut du coteau du Méal, mais se prolonge vers l’ouest, en direction du coteau des Bessards, sur une partie plus accidentée. Son sol provient essentiellement d’apports éoliens, des lœss très pauvres, sablo-argileux avec quelques poupées calcaires dans la partie centrale. Lorsqu’il se rapproche des Bessards, les lœss se mélangent à des granites en décomposition. Ce type de sol est en général favorable aux cépages blancs, même si les parties plus granitiques, à l’ouest, conviennent aussi à la syrah. Chapoutier y élabore deux sélections parcellaires baptisées l’Ermite, en blanc et en rouge, deux vins particulièrement racés.
Les Greffieux : Voilà un joli quartier, situé sous le coteau du Méal. Le sol y est relativement homogène, provenant d’apports du Rhône : des argiles et du sable dans la partie basse, un peu plus de cailloutis dans la partie haute. Cela donne une aromatique gourmande et puissante au vin, avec des parfums de poivre, de viande ou de tomate séchée. Marc Sorrel l’incorpore pour partie dans sa fameuse cuvée de Gréal, tout comme Guigal dans son hermitage d’entrée de gamme. Michel Chapoutier, quant à lui, y produit une sélection parcellaire éponyme, en rouge, à partir de vieilles vignes issue de la partie haute et caillouteuse.
La Croix de Jamanot : Tout en bas de la colline, coincée entre les immeubles et le cimetière, cette parcelle repose sur des apports des terrasses fluviales du Rhône. Ce n’est pas le meilleur quartier de la colline.
Beaume : Beaume est un quartier à la géologie complexe, qui forme comme une bande sur la colline, du bas jusqu’en haut, recouvrant ainsi différents sols. Dans sa partie supérieure, on trouve des galets provenant des terrasses alluviales du Rhône, mais aussi quelques sols de lœss quand on se rapproche de Maison Blanche. Ces galets ont pour particularité d’être cimentés par des eaux de ruissellement calcaires, qui les ont agrégés en des blocs plutôt friables appelés poudingues. Plus on descend vers le bas du coteau, et plus les sols deviennent argilo-limoneux. Le quartier n’est pas homogène non plus en matière d’ensoleillement, une partie étant encaissée dans un vallon qui plonge assez rapidement dans l’ombre.
Maison Blanche : Maison Blanche est un autre plateau important du cru, situé sur la partie supérieure de la colline, sur un replat en face de l’Hermite, séparé de ce dernier par le vallon des Beaumes. Comme lui, son sol est d’origine éolienne, avec des lœss très sableux qui réussissent d’avantage aux blancs qu’aux rouges.
Le Péléat : Péléat est situé en contrebas de Beaume et de Rocoule, sur la partie droite de la route qui monte vers Larnage. Le sol s’est formé grâce aux apports du lit du Rhône, avec une majorité de sables et de cailloutis. Dans un assemblage, c’est un vin qui apporte sa touche de gourmandise et de délicatesse.
La Pierrelle : Tout petit quartier, coincé entre Maison Blanche, Rocoule et la limite nord de l’appellation. Le sol comporte des lœss sur le plateau et des galets dans le vallon qui descend sur la route de Larnage.
Rocoule : Coincé entre le plateau de Maison Blanche et Péléat, Rocoule fait partie des jolis quartiers de la colline. Un sol de galets, comme sur le Méal, mais les différences d’exposition donnent ici des vins plus tendus, avec beaucoup de finesse et de pureté.

Les Diognières

Les Diognières se situent en bas de la colline, en bordure de Tain. Constitué d’un sol argilo-limoneux mais aussi de petits cailloutis dans sa partie supérieure, c’est un climat revendiqué par deux opérateurs seulement : Ferraton sur une sélection parcellaire en rouge, et la Cave Fayolle également, mais dans les deux couleurs.
Les Murets : Le climat des Murets est encore un bel exemple de terroir transversal, qui grimpe la colline en s’appuyant sur différents types de sols, essentiellement des apports des terrasses fluviales du Rhône, depuis des cailloutis dans la partie basse, avec des galets plus gros dans la partie haute, et même la partie supérieure en compénétration avec des apports éoliens. La cuvée parcellaire de-l’Orée de Chapoutier provient de la partie haute du coteau, elle exprime à merveille toute la race de la marsanne, avec ses amers nobles.
L'homme : L’Homme est situé sur l’un des trois replats de la colline, le plus à l’est. Dans sa partie centrale, il est essentiellement constitué de lœss sablo-argileux, mais les versants qui plongent vers les vallons sont en compénétration avec des zones plus caillouteuses.
La Croix : Presque à l’extrémité est de la colline, la Croix est encore un climat qui descend toute la colline et ses variations géologiques, limitée à l’est par le cours de la Torras. On y croise ainsi des sols faits de lœss sableux sur le plateau, des cailloutis à flanc de coteau, et des couches plus argileuses dès qu’on se rapproche du bas de la colline.
Diognières et Torras : Ce climat est situé dans le prolongement des Diognières, au bord du Torras, petit ruisseau qui descend des hauteurs de Larnage et se jette dans le Rhône. Sa composition géologique est sensiblement la même que Diognières.
Torras et les Garennes : Ce dernier quartier marque l’extrémité est de la colline de l’Hermitage, coincée entre les deux rivières du Torras et de la Bouterne. On y trouve des cailloutis parfois consolidés en poudingues, mais la partie qui plonge dans le vallon du Torras ne bénéficie pas des conditions optimales d’exposition au soleil.

Tain l'Hermitage

Les grands domaines en images

M. Chapoutier raconte l'Hermitage

Paul Jaboulet Aîné : un grand nom de l'Hermitage

Les vins

Le Reverdy 2012, blanc

Grand nez alternant pomme, poire, abricot, grande sève, vin magnifique, bel avenir !

L’Ermite 2012, blanc

Exceptionnelle finesse aromatique dans un corps somptueux ! Une fois encore le plus racé des blancs de l’Hermitage.

L’Ermite 2012, rouge

Sublime finesse aromatique, et expression juste d’un terroir vraiment exceptionnel. Peu de 2012 en France peuvent prétendre rivaliser…

Le Pavillon 2012, rouge

Grand nez sur les épices, superbe profondeur de corps et de texture, grande suite en bouche, le grand type de l’Hermitage !

de l’Orée 2012, blanc

Grand nez sur la poire, gras, profond, très noble en rétro-olfaction, égale ou dépasse tous les grands crus bourguignons en éclat en fin de bouche.

Le Méal 2012, rouge

Remarquable nez sur la mûre et le fumé, grand corps, grande texture, méal de grande classe.

Les Greffieux 2012, rouge

Remarquable dans ce millésime, de l’extrait de coulis de mûre, avec un étonnant velouté de texture, expression accomplie de ce terroir « central ».

Monier de la Sizeranne 2012, rouge

Beau nez sur la mûre et les épices, avec une note fumée amusante, bel assemblage, en progrès comme en 2011 sur les années précédentes, hermitage typique des meilleurs terroirs du cru.

Hermitage 2011, blanc

Cette cuvée comprend le jus des vignes de l’ex-voto qui ne sera pas produit en 2011. L’assemblage est fort réussi avec ses notes de miel, de rhum et de raisin sec, sa droiture, et sa texture serrée pour un blanc.

17/20

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Hermitage 2010, rouge

Marginalement plus fumé, plus énergique et de plus grand potentiel de vieillissement que le 2009, excellente race en fin de bouche.

Hermitage 2009, rouge

Notes de myrtilles, très équilibré pour l’année, complet et largement supérieur dans sa qualité d’élevage à des vins assemblés plus au sud !

Ex-Voto 2010, rouge

Immense réussite à nouveau avec des notes idéales de mûre et de myrtilles, et le grand style de l’Hermitage, à son sommet de race et de complexité. Chapeau bas !

La Chapelle 2012, rouge

Grande couleur, nez magnifique de mûre et de myrtille, superbement typé méal, tannin remarquablement enveloppant, la plus complète des cuvées la-chapelle depuis bien longtemps.

18/20

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La Chapelle 2012, blanc

Toute petite cuvée mais impressionnante de classe, de complexité et de fidélité au plus grand style des blancs du secteur, entre le rhum, le miel d’acacia et les fleurs blanches, avec une suite en bouche considérable. Grand vin.

Le Chevalier de Sterimberg 2012, blanc

Robe paille vert, bien protégée de toute oxydation, corsé, net, peut-être trop « propre » pour les grandes émotions mais le potentiel de vieillissement est garanti !

La Petite Chapelle 2012, rouge

Grande couleur, sur les fruits noirs avec juste ce qu’il faut de réduction, bons tannins, vin généreux mais souffrant un peu de l’autorité de la cuvée la-chapelle dans ce millésime.

 Les Roucoules 2012, blanc

Très grand caractère même si une pointe d’amertume de réduction vient masquer l’ampleur et la beauté du fruit dans ses premières années. Le millésime a flirté avec la surmaturité.

 Hermitage 2012, blanc

L’autre hermitage de la maison provient d’une partie plus basse du coteau et le vin a toujours un peu moins de miel et d’abricot que rocoules mais lui ressemble quand même assez !

 Le Gréal 2012, rouge

Monumental, étonnante concentration de matière mais sans lourdeur, fraîcheur du tannin marqué par la rafle mûre du raisin, race exceptionnelle.

Hermitage 2010, blanc

Fruité blanc juteux, relayé par de fines notes de fleurs jaunes, l’épaisseur de bouche signe le terroir, un hermitage gourmand et accessible.

L’Ermitage 2011, rouge

Grande noblesse aromatique, parfait équilibre, naturel exemplaire, encore une fois la référence !

L’Ermitage 2011, blanc

Merveilleuse pureté dans les notes miellées, grande longueur, tension sans doute encore plus marquée que dans les millésimes précédents, correspondant à l’évolution souhaitée par le producteur.

Crozes-Hermitage 2011, rouge

Cuvée certifiée bio, nez très fruité et dégagé, petite note animale de réduction, raisin mûr, tannin simple, bon vin de comptoir.

Hermitage 2012, blanc

Robe paille, nez puissant et vin large en bouche, encore un peu abrupt mais avec du style, à attendre encore 5 à 6 ans.

Hermitage cuvée Emilie 2012, rouge

Belle robe bleu noir, nez sur la mure bien typé, pointe de fumée dans l’esprit du millésime, pas très corpulent ni vraiment complexe en fin de bouche mais une expression franche et drue de jolie syrah.

15,5/20

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Tourette 2012, blanc

Joli nez complexe sur le miel, évolution réussie du style de la cuvée vers plus de maturité dans la saveur et la texture.

17/20

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Tourette 2011, rouge

Moins dense mais pour le moment plus harmonieux et diversifié au nez et en bouche que bessards, avec des notes de ronce, de truffe, un joli grain de texture.

Les Bessards 2012, rouge

Grande robe, corps complet, texture ample, droiture habituelle du tannin (qui peut apparaître à certains un brin austère), mais excellent pour la garde !

Les Bessards 2011, rouge

Très sur la pierre brûlée au soleil et le café, tendu, serré, une pointe d’astringence dans le tannin mais le terroir est bien lisible ! Cuvée de 5 500 bouteilles.

Hermitage 2012, rouge

Beaucoup de personnalité qui s’exprime sur le cuir et l’épice, matière corsée avec un beau velouté de texture, élevage admirable.

Hermitage 2012, blanc

Arômes très purs de miel et de brugnon. Beaucoup de largeur avec un corps minéral et salin.

Grand classique 2012, blanc

Caractère de terroir marqué avec des notes de tilleul, miel frais avec une once de verveine

Gambert des Loches 2010, rouge

Corps plein, texture harmonieuse, aucune note « sauvage », signe d’un élevage réussi, équilibré et net, mais sans égaler en complexité d’autres cuvées de prestige

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Crédits photos : Guillaume Puzo et D.R.

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