hectares
pieds
en années, l'âge des vignes
cépages

Le domaine de la Charmoise, vignoble des Marionnet

En soi, Marionnet est une expérience. Avec son élégance des années 70, il est absolument parfait, complètement décalé. Un type long et sec, un sourire de crooner, la mèche bien plaquée, ses convictions à la boutonnière, l’œil bienveillant et rieur. Au creux de l’hiver, dans sa campagne humide, les bosquets décharnés et les haies à trous, il a la difficile mission de vous enthousiasmer. Pourtant, dans une ouate de saison, la plaine est désespérante et si vous avez fait le trajet jusque là, c’est que vous avez une bonne raison. Les corbeaux, eux, volent à l’envers.
Henry Marionnet est un inventeur. Au contraire de tout le monde et depuis le début de son épatante carrière, il a développé des théories et les a mises à l’épreuve du réel. Ce n’est pas un bavard, pas plus un « communicant ». C’est un garçon simple qui a hérité de la terre de son père après moult péripéties — le vieux n’était pas facile, facile — et qui a propulsé son vin tout en haut de l’affiche préférée des amateurs, le tout sans convoquer la cour et la campagne à tout bout de champ. Non. Marionnet n’a eu pour seuls ambassadeurs que son vin, ses vins, ses idées, ses expériences réussies. Encore fallait-il s’intéresser, aller à lui puisqu’il ne faisait pas le voyage. Beaucoup l’ont fait, ont assuré sa gloire, j’arrive le dernier.

Bouteilles

UNE ENTREPRISE EN CHIFFRES

Magnums
% vendu à l\'export
UK
5%
Belgique
25%
Quebec
25%
Hollande
10%
USA
20%
Japon et reste monde
15%

Nous sommes à Soings-en-Sologne à vingt kilomètres de Blois. L’extrême est de l’appellation Touraine. Là, Henry Marionnet et son fils Jean-Sébastien (c’est lui, le chef maintenant) exploitent 60 hectares de vignes. Mais les Marionnet sont joueurs. C’est-à-dire sans porte-greffe, comme autrefois, comme avant la grande crise du phylloxéra. 10 % de son vignoble est assis sur un volcan. Six de ses hectares sont plantés en vignes dites franches de pied. Éteint, certes, mais capable de se réveiller à

tout moment. En général, il faut huit à dix ans au phylloxéra pour repérer la bonne affaire et détruire les « francs de pied ». Pas chez lui. À quoi ça rime de prendre des risques pareils ? On l’écoute : « J’ai voulu comprendre ce que buvaient nos aïeux, ceux du XIXe siècle. À la quatrième feuille (au bout de quatre ans, NDLR), c’était clair. C’est une classe au dessus à tous égards. Complexité, matière, arômes, une race éclatante. J’aimerais planter mes 60 hectares comme ça, mais je ne peux pas faire courir le risque à ma famille de voir tout mon vignoble ravagé. C’est notre seul gagne-pain. »

HENRY MARIONNET PROVIGNAGE-1

Pour autant, le vignoble des Marionnet n’est pas mené en bio. N’est plus mené en bio, en fait. Le père d’Henry Marionnet pratiquait une viticulture bio intégrale, il travaillait « au cuivre et au cheval », c’était il y a très longtemps et quand Henry a finalement repris les rênes du domaine, il a mis un terme à cette pratique. Quelle mouche a bien pu le piquer ? « J’ai été obligé d’arrêter parce que les sols étaient gorgés de cuivre. Encore maintenant, après tant d’années, le problème n’est toujours pas réglé, c’est le plus dangereux de tous les produits, il met un siècle à disparaître. » On ne l’entrainera pas sur ce sujet douloureux, on pourrait, on ne le fera pas.

Marionnet est un type sérieux, il sait ce qu’il fait et pourquoi il le fait, mais il veut parler, il insiste : « J’ai besoin d’avoir de beaux raisins pour faire de beaux vins, s’il le faut, je traite pour protéger ma vigne. Mais je traite a minima. » Jamais avare d’un contre-pied, Marionnet et ses vins ne connaissent pas le bois, « je ne fais pas du vin avec des glands », ah, ah, ah. Encore plus en travers de la route principale, il dit : « Les jeunes vignes donnent les meilleurs vins. Entre la 4e et la 6e feuille, c’est là que le vin est à son meilleur. Je le constate, mais je ne sais pas pourquoi. »

Henry Marionnet fait partie d’une génération d’agriculteurs qui travaillait avec le portefeuille sur la fesse droite, il livrait quand il avait de l’argent et voilà. « C’était simple, avant. On se tapait dans la main, je repartais avec un chèque et j’envoyais mes vins. La vie était bien réglée. » On voit dans le regard de son fils comme un éclat nostalgique, il éclate de rire, c’est un commentaire explicite. Pour autant, la vieille règle enseignée par son père — une récolte à la vigne, une autre à la cave et une à la banque — n’a jamais fonctionné et même s’il a beaucoup réduit son endettement, il conserve des souvenirs d’un travail acharné et épuisant. Quand il partait livrer les restaurants parisiens chaque samedi dans sa camionnette, « il fallait ranger les caves pour mettre mes cartons. Les restaurants me prenaient 500 bouteilles chaque samedi, maintenant, c’est quatre fois moins. »

Jean-Sébastien acquiesce et ce n’est pas par complaisance familiale ou excès de considération pour ce père étonnant. Lui, il ne vit pas comme ça. Lui, il est né avec l’idée de la gestion et il a découvert l’enfer de l’administration. Comme c’est un garçon mesuré et qu’il n’aime pas les conflits, il parle plutôt de « complexité réglementaire ». Mais on comprend aussi. Il a 37 ans, c’est lui le patron, il emploie douze personnes et il a déjà compris beaucoup des choses qui régissent le monde du vin. Comme il n’a pas sa langue dans sa poche, c’est très rafraîchissant. Morceaux choisis :

Les francs de pied ou le sans-soufre, on le fait pour améliorer la qualité du vin, pas pour être à la mode. On trouve que le sans-soufre, c’est meilleur. Nous en produisons 500 hectolitres par an. 60 000 bouteilles. T’en connais beaucoup, toi, des gens qui sortent 60 000 bouteilles de vin vraiment sans soufre ?

Je n’ai pas besoin d’œnologue. Nous sortons 500 000 bouteilles par an et tout nous passe entre les mains.

La mode récente du sans-soufre nous plombe. Nous pratiquons le sans-soufre depuis 1990. Ce qui nous permettait un discours innovant et vendeur. Aujourd’hui, ma cuvée Première vendange est toujours sans soufre, mais je ne le dis plus. Les restaurants ne veulent plus de vin sans soufre. À part une dizaine de vinaigreries où je ne mets pas les pieds de toute façon.

Le marché est à Paris. Un restaurant ici me prend 120 bouteilles par mois. À Los Angeles, c’est 36. On a la chance d’être demandé et d’être pas loin.

Euh… Non, je n’en connais pas. Et force est de constater que les vins sans soufre de Marionnet sont

 

 

 

Nicolas de Rouyn
Photos : Armand Borlant

absolument délicieux et que nous n’en avons jamais goûté un seul qui soit abîmé. Alors, c’est quoi le secret des Marionnet ?

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POUR LE PLAISIR DE BOIRE, PAR Michel Bettane

La mode est aujourd’hui à la minéralité, vaste fourre-tout qui renvoie le vin fruité au cimetière des produits honteux et immoraux. Et avec ce type de vin, le plaisir de boire. Mais Henry Marionnet, assisté de son fils Jean Sébastien, fait heureusement de la résistance et nous régale de vins de soif d’une finesse, d’une pureté de style et d’une digestibilité exemplaires.

Et il travaille sans filet, car rien n’est plus difficile en matière d’élaboration d’un vin que de faire passer dans le vin fini toute la force aromatique du raisin de départ. Sa chance est de cultiver des raisins sur le type de sol qui leur permet d’exprimer sans déperdition le fruité lié à leur patrimoine génétique. Sur les sables solognots, le gamay développe toute la gamme des fruits rouges et noirs ; le sauvignon, celle des agrumes ou des fruits blancs. Et les vignes franches de pied dont il s’est fait une spécialité sont évidemment encore davantage en ligne directe avec les gênes de ces mêmes cépages.

Le fait de ne pas ajouter de soufre à la vendange pour être au plus près du fruit initial l’oblige à une discipline de travail que bien des viticulteurs bobo qui adhèrent aux mêmes principes ne peuvent même pas soupçonner et dont ils auraient pourtant bien besoin. Et le romorantin ? Certes, ce n’est pas par son fruit qu’il brille, mais par la tension en bouche liée à son acidité et par une finale saline venue du fond des sables. Ce couple élan-tension, c’est quand même beaucoup plus séduisant que les réductions de vins vendangés en sous-maturité dont trop de gogos s’entichent en les qualifiant de « minéraux ».

signature BETTANE RVB

Les vins

C’est sous ce nom qu’est commercialisé le premier prix de la maison, autour de 8 euros. Première Vendange, le vin sans soufre ajouté, coûte entre 10 et 11 euros. Les vins issus de ceps francs de pied s’appelle Vinifera et sont commercialisés autour de 14 euros. Les vins issus de vignes pré-phylloxériques (environ 150 ans d’âge) valent 49 euros et sont baptisés Provignage.

Ou comment se faire très plaisir avec peu d’argent.

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Touraine, Rouge, 2006

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17,5/20. Cette cuvée évolue parfaitement avec le temps, les tanins deviennent soyeux et le fruit reste frais. Ce 2006 est riche de promesses et devrait évoluer comme le merveilleux 2002.

Touraine, Rouge, 2007

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17,5/20. De la profondeur et des flaveurs de mûre et de myrtille, on peut tenter une biche avec une sauce aigre-douce.

Touraine, Rouge, 2010

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16/20. Moins spectaculaire que dans d’autres millésimes, cette cuvée ne se démarque pas nettement du gamay franc de pied en 2010.Toujours florale, fruitée et racée, elle perturbera les plus farouches adversaires du côt.

Touraine, Rouge, 2012

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14/20. 2012 ne sera pas une grande année de côt dans la Loire. Pourtant, celui-ci se détache avec une profondeur unique en bouche. À comprendre sur la finale.

IGP du Jardin de la France, Blanc, 2008

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17/20. Le meilleur blanc du domaine, on apprécie sa tension et son tranchant, c’est un vin de truffe ! On imagine une salade de langouste au diamant noir.

Touraine, Blanc, 2006

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15,5/20. Belle pureté de fruit, avec des touches florales et une bouche dynamique.

Touraine, Blanc, 2008

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16/20. Voilà un vin qui tire droit, et sa grande franchise répond à un selles-sur-cher.

Touraine, Blanc, 2009

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16,5/20. Grand style, élégant, presque aérien, c’est un sauvignon unique, flamboyant. Même ceux qui n’apprécient pas le cépage devront abdiquer.

Touraine, Blanc, 2010

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15,5/20. Tendu, profond et long tout en restant pimpant. On gagne en arômes et en construction de bouche par rapport à l’excellente cuvée de base du domaine de la Charmoise.

Touraine, Blanc, 2011

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15,5/20. Très supérieure à la cuvée de sauvignon, cette parcelle de franc de pied montre une gourmandise exceptionnelle dans ce millésime qui exprimait parfois à haute voix le variétal.

Touraine, Rouge, 2006

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16/20. Très cerise noire, ce vin présente une qualité et une pureté de fruit d’une grande gourmandise.

Touraine, Rouge, 2008

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16/20. La cerise noire domine et les tanins sont ronds et bien enrobés, déjà beaucoup de plaisir.

Touraine, Rouge, 2009

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15/20. Que de charme, dans ce concentré de fruits noirs aux tanins ronds et parfaitement gourmands !

Touraine, Rouge, 2010

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15,5/20. Toujours de grand charme avec une finale où se mêlent harmonieusement graphite et fruits noirs.

Touraine, Rouge, 2011

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15,5/20. La cuvée ne cesse de progresser. Grand fruit, finale onctueuse et gourmande, racée à souhait. Que demander de plus ?

Touraine, Rouge, 2012

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15,5/20. Rien ne change dans cette cuvée de gourmandise, le jus est toujours subtil et complexe, on se régale de ces notes grillées et de cette sensualité de tannins unique.

Touraine, Rouge, 2009

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15,5/20. Encore une gourmandise absolue, à la fois intensément fruitée, charnue et bien juteuse.

Touraine, Rouge, 2010

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16/20. Cherchez un gamay de cette trempe ! Racé en diable, explosif en fruits. Il pourra choquer certains par sa puissance un peu brutale. Les autres se lamenteront de ces porte-greffes indispensables mais castrateurs qui empêchent nos cépages traditionnels de s’exprimer en toute liberté.

Touraine, Rouge, 2011

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16/20. Un must pour les amateurs de grand fruit, d’une fraîcheur incroyable. Le domaine a capté en 2011 la pointe de végétal qui corse l’ensemble. Magistral !

Touraine, Rouge, 2012

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16/20. La sensualité fonctionne à plein, comme un plaisir éphémère mais intense, tel ces vignes franches de pied qui ne connaissent pas leur futur et donnent tout, tout de suite. Hélas, nous savons qu’il est limité en volumes. Quel dommage !

Touraine, Rouge, 2007

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15,5/20. La gouleyance du gamay dans toute sa splendeur.

Touraine, Rouge, 2008

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15,5/20. Considéré comme l’un des papes du gamay, Henry Marionnnet produit sur ce millésime jaloux, un vin de bonne facture marqué par les fruits rouges, et surtout un coulant qui possède une résonance de fruits rouges unique sur la Loire.

Touraine, Rouge, 2010

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15/20. Si tous les gamays du monde avaient la tendresse florale et la gourmandise de tanins de cette entrée de gamme…

Touraine, Blanc, 2007

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14,5/20. Saline et florale, cette cuvée se révèle croquante et fraîche, elle fait merveille sur un pouligny.

Touraine, Blanc, 2008

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15/20. Bien marqué par le cépage mais ses arômes variétaux parfois dérangeants, le vin est nerveux avec un charme étonnant.

Touraine, Blanc, 2009

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14/20. Voici un sauvignon de caractère, frais et vif, à boire largement. Le prototype du blanc de copains !

Touraine, Blanc, 2010

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14,5/20. Vin de talent récolté sur des sols dont il n’était pas simple d’extraire autant de fraîcheur et d’arômes raffinés. À l’apéritif et en magnum !

Touraine, Blanc, 2008

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15/20. Frais et croquant avec ses accents floraux et une légère touche agrume, ce sauvignon accompagne bien les asperges.

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41230 Soings-en-Sologne
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Fax : 33 (0) 254 987 566
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